
Mercredi soir, la Galerie Nadar de Casablanca a vibré au rythme d’un rendez-vous artistique majeur avec le vernissage de l’exposition “Configuration de la simplicité”, consacrée à l’œuvre d’Ahmed El Amine, plasticien marocain dont la démarche minimaliste et introspective interpelle depuis plus de vingt ans.
Une quête esthétique radicale et profonde
Ahmed El Amine est reconnu pour son travail pictural qui s’affranchit de l’ornement et de l’éclat superficiel, afin d’explorer l’essence même de la figure humaine et de la mémoire. Cette nouvelle série d’œuvres présente des silhouettes épurées, dénuées de détails superflus, baignées dans des tonalités atténuées, presque éteintes.
« Je travaille depuis longtemps sur des figures simplifiées, comme si elles avaient perdu de leur brillance. Mon objectif est d’éteindre cette brillance, de revenir au blanc, à l’essentiel, à une forme de pureté plastique », a déclaré Ahmed El Amine lors du vernissage. Cette volonté de “faire taire l’éclat” invite le spectateur à dépasser l’apparence pour toucher à une humanité plus profonde, faite de silence et de retenue.
Une œuvre au service du dialogue intérieur
Loin d’imposer une lecture unique, l’artiste invite à un partage libre et sensible. « Le message est simple : partager avec le public. Il est libre de voir, d’aimer ou de ne pas aimer, de comprendre ou de simplement ressentir », a-t-il précisé, soulignant la nature intime et presque confidentielle de son travail.
Chaque toile devient alors un espace de méditation, où les gestes sont suspendus, les visages indéfinis, les décors suggérés. Le spectateur est convié à une rencontre silencieuse, entre mémoire collective et solitude pudique.
Un hommage au cinquantenaire de la Galerie Nadar
Cette exposition s’inscrit dans le cadre des célébrations du cinquantième anniversaire de la Galerie Nadar, institution incontournable de la scène artistique marocaine. Amina Faraoui, co-directrice de la galerie et héritière d’une tradition familiale unique — sa mère étant la première femme galeriste du monde arabe — a exprimé sa fierté de continuer à faire vivre cet héritage.
« Nous avons à cœur de découvrir et de soutenir des artistes authentiques et profonds, comme Ahmed El Amine. Cette exposition est un hommage à l’engagement de la galerie envers un art sincère, silencieux et enraciné dans l’expérience humaine », a-t-elle confié.
Promouvoir l’accès à l’art et la culture
Abordant le rapport entre le public et les galeries, Mme Faraoui a évoqué un constat nuancé : « Il existe un réel intérêt, mais aussi une certaine timidité à franchir la porte des galeries. Il est primordial d’encourager la visite en famille, de sensibiliser les plus jeunes à l’art et à la création pour bâtir un lien durable avec la culture ».
Dans cette perspective, la Galerie Nadar travaille sur un projet novateur de galerie mobile, qui parcourrait les différentes régions du Maroc afin d’aller à la rencontre des publics éloignés, démocratisant ainsi l’accès à l’art contemporain. « Ce projet serait une manière d’honorer l’héritage de notre mère et d’ouvrir de nouvelles voies à la création marocaine », a-t-elle expliqué.
Une reconnaissance critique unanime
Le travail d’Ahmed El Amine est salué pour sa capacité à “conter l’intime” par des formes simples mais puissantes. Le critique et auteur Frédérick Gambin décrit son œuvre comme un « ensemble de présences discrètes et d’émotions contenues, où les couleurs semblent lavées et les personnages sans âge deviennent des reflets universels de chacun d’entre nous ».
Pour le critique A. Benhaza, l’artiste ne se contente pas de reproduire la réalité mais la “travaille comme une matière brute, riche de potentiel créatif”, offrant ainsi une lecture renouvelée et poétique du monde qui nous entoure.
Jusqu’au 30 juin : une invitation à la contemplation
L’exposition “Configuration de la simplicité” est à découvrir jusqu’au 30 juin à la Galerie Nadar. Une occasion unique de s’immerger