Le projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure, dans la Meuse, suscite depuis des années une vive opposition de la part de certains riverains, associations écologistes et élus locaux. Ces derniers ont saisi le Conseil constitutionnel en invoquant le principe de précaution, qui figure à l’article 5 de la Charte de l’environnement, intégrée au bloc de constitutionnalité depuis 2005. Selon ce principe, les autorités publiques doivent veiller à prévenir les risques graves et irréversibles pour l’environnement, même en l’absence de certitudes scientifiques. Les opposants au projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) estiment que celui-ci ne respecte pas ce principe, car il présente des incertitudes et des dangers pour la santé humaine et l’environnement à moyen et long terme.
Le Conseil constitutionnel doit donc se prononcer sur la conformité du projet Cigéo au principe de précaution. Pour cela, il devra examiner plusieurs aspects du dossier, tels que :
- La nature et le niveau de radioactivité des déchets nucléaires qui seront enfouis à 500 mètres sous terre, dans des galeries souterraines d’une longueur totale de 300 kilomètres. Ces déchets sont issus du retraitement du combustible usé des centrales nucléaires françaises et représentent 0,2 % du volume total des déchets radioactifs, mais 99,9 % de la radioactivité totale.
- Les garanties de sécurité et de réversibilité du stockage, c’est-à-dire la possibilité de récupérer les déchets en cas de besoin ou d’évolution des connaissances scientifiques et techniques. Le projet Cigéo prévoit une phase d’exploitation d’au moins 120 ans, pendant laquelle les déchets seront progressivement enfouis, puis une phase de fermeture définitive du site. Le Conseil constitutionnel devra vérifier si ces modalités sont compatibles avec le principe de précaution.
- Les impacts potentiels du projet Cigéo sur l’environnement et la santé publique, notamment en cas d’accident ou de fuite radioactive. Les opposants au projet dénoncent les risques d’incendie, d’explosion, de contamination des nappes phréatiques ou de dissémination des radionucléides dans l’air ou le sol. Le Conseil constitutionnel devra apprécier si ces risques sont suffisamment pris en compte et maîtrisés par les mesures de prévention et de protection mises en œuvre par l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), maître d’ouvrage du projet.
Le Conseil constitutionnel devra donc arbitrer entre les exigences du principe de précaution et les impératifs liés à la gestion des déchets nucléaires, qui constituent un enjeu majeur pour la politique énergétique française. Il devra également tenir compte du principe démocratique et du respect du droit à l’information et à la participation du public aux décisions ayant une incidence sur l’environnement, qui figurent également dans la Charte de l’environnement. Sa décision sera attendue avec attention par tous les acteurs concernés par ce dossier controversé.
Le projet Cigéo
Le projet Cigéo est un projet français de centre de stockage des déchets radioactifs en couche géologique profonde, aussi appelé enfouissement des déchets nucléaires. Il est conçu pour stocker les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue, qui sont issus du retraitement du combustible usé des centrales nucléaires françaises. Le projet Cigéo prévoit d’implanter ce site à la limite des départements de la Meuse et de la Haute-Marne, à environ 500 mètres sous terre, dans une formation argileuse réputée stable et imperméable. Le projet Cigéo vise à assurer la sûreté et la réversibilité du stockage, c’est-à-dire la possibilité de récupérer les déchets en cas de besoin ou d’évolution des connaissances. Le projet Cigéo suscite des controverses concernant ses impacts potentiels sur l’environnement et la santé publique, ainsi que son acceptabilité sociale et démocratique
Le stockage des déchets nucléaires
Les déchets nucléaires sont stockés en France selon leur niveau de radioactivité et leur durée de vie. Il existe trois types de centres de stockage gérés par l’Andra :
- Le centre de stockage des déchets de très faible activité (TFA) à Morvilliers, dans l’Aube. Il accueille des déchets qui ont une radioactivité proche du bruit de fond naturel, comme des gravats, des terres ou des métaux. Ces déchets sont conditionnés dans des conteneurs en béton ou en acier et disposés dans des alvéoles creusées dans le sol. Le centre a une capacité de 650 000 mètres cubes et devrait être rempli vers 2030.
- Le centre de stockage des déchets de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC) à Soulaines, également dans l’Aube. Il reçoit des déchets qui ont une radioactivité qui décroît rapidement, comme des outils, des vêtements ou des filtres. Ces déchets sont conditionnés dans des fûts en acier ou en béton et enfouis dans des casiers en béton armé. Le centre a une capacité de 1 million de mètres cubes et devrait être rempli vers 2040.
- Le centre de stockage des déchets de faible et moyenne activité à vie longue (FMA-VL) à Bure, à la limite entre la Meuse et la Haute-Marne. Il est destiné à accueillir des déchets qui ont une radioactivité qui persiste pendant plusieurs milliers d’années, comme des radiums ou du graphite. Ces déchets seront conditionnés dans des conteneurs métalliques et enfouis à 500 mètres de profondeur dans une couche d’argile. Le centre est encore en phase de conception et devrait entrer en service vers 2035. Il aura une capacité de 80 000 mètres cubes.
Les déchets de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL), qui représentent les plus dangereux et les plus volumineux, ne disposent pas encore d’une solution de stockage définitif en France. Ils sont issus du retraitement du combustible usé des centrales nucléaires et contiennent notamment du plutonium. Ils sont actuellement entreposés sur les sites de La Hague (Manche) et de Marcoule (Gard), dans des piscines ou des conteneurs ventilés. Un projet de centre de stockage profond, nommé Cigéo, est à l’étude pour les enfouir à Bure, à côté du centre FMA-VL. Ce projet fait l’objet de vives controverses et d’un débat public.