
Le Maroc vient de perdre l’une de ses plus grandes voix. Naïma Samih, la diva emblématique de la chanson marocaine, s’est éteinte dans la nuit du 8 mars 2025, après un long combat contre la maladie. Cette disparition plonge le pays dans une profonde tristesse, car Naïma Samih n’était pas simplement une chanteuse ; elle incarnait l’âme du Maroc populaire, la voix des cœurs blessés, et une figure incontournable de la scène musicale nationale.
Des débuts modestes à la consécration
Née en 1953 dans le quartier populaire de Derb Sultan à Casablanca, Naïma Samih grandit dans un milieu modeste où la musique semblait être un rêve lointain pour une jeune fille. Cependant, son talent exceptionnel éclot très tôt. Dotée d’une voix envoûtante, elle n’avait pas de formation musicale, mais son don naturel ne passa pas inaperçu. C’est grâce à l’émission Mawahib qu’elle fit ses premiers pas sur la scène musicale. Sa participation à cette émission découvrit une artiste brute, prête à conquérir le cœur des Marocains.
Dès les années 1970, Naïma Samih s’impose dans le paysage musical du pays avec des titres devenus aujourd’hui des hymnes intemporels. Des chansons comme « Yak A Jarhi », « Jrit Ou Jarit », « Ala Ghafla », et « Chkoun I Ammar Had Dar » résonnent bien au-delà des frontières du Maroc. Sa voix, portée par la force et la douleur, trouve un écho particulier dans les cœurs des Marocains, touchés par la profondeur de ses paroles et l’intensité de son interprétation.
Son style musical, influencé par les sonorités du sud marocain et la musique andalouse, a permis à Naïma Samih de créer une identité musicale unique, qui allait marquer toute une époque. Elle était bien plus qu’une chanteuse : elle était l’incarnation d’un Maroc où les émotions s’exprimaient à travers des paroles profondes et des mélodies envoûtantes.
Une artiste fidèle à son pays et à son peuple
Naïma Samih ne courait pas après la célébrité internationale. Elle choisissait de rester fidèle à son art, à sa culture et à son peuple. Alors que d’autres artistes cherchaient à se produire à l’étranger, Naïma Samih préférait que ses chansons voyagent pour elle, plutôt que de chercher à conquérir le monde. Cette authenticité, cette simplicité, cette proximité avec son public la rendait d’autant plus précieuse aux yeux des Marocains.
Ses collaborations avec des compositeurs et paroliers de renom, tels que Abdelkader Rachdi, Mohamed Benabdesselam ou Abdelwahab Doukkali, ont enrichi un répertoire qui est aujourd’hui devenu patrimoine national. Parmi ses morceaux les plus marquants, on trouve « Jari Ya Jari », une chanson poignante qui évoque le conflit maroco-algérien, une œuvre qui témoigne de son engagement à travers la musique.
Une protégée du roi Hassan II
Le talent et la voix de Naïma Samih ne sont pas passés inaperçus auprès des plus hautes sphères du royaume. Le roi Hassan II, grand amateur de musique, vouait une admiration particulière à la chanteuse. Elle était l’une des rares artistes à être régulièrement invitée au palais royal pour des soirées privées. Ce lien privilégié avec la monarchie était marqué par une affection sincère et respectueuse, bien que Naïma Samih ait parfois connu des moments de turbulences dans sa carrière. Le souverain, cependant, lui témoigna toujours une grande indulgence, ce qui témoigne du respect qu’il lui accordait.
Le retrait progressif et les dernières années
En 2007, Naïma Samih décide de se retirer progressivement de la scène musicale. Elle ne fait pas d’annonce officielle, préférant se retirer dans la discrétion qui avait toujours caractérisé sa vie. Après avoir effectué la Omra, elle choisit une vie plus spirituelle, loin des projecteurs. Ses dernières années se passent à Benslimane, entourée de son fils Chams et de quelques proches.
La maladie, cependant, a eu raison de sa santé fragile, et après plusieurs mois d’hospitalisation à Rabat, Naïma Samih s’éteint à l’âge de 72 ans, laissant derrière elle un vide immense dans le monde de la musique marocaine.
Un départ qui bouleverse le Maroc
L’annonce de sa disparition a provoqué une vague d’émotion à travers tout le Maroc et bien au-delà. Les hommages affluaient de la part des artistes, des anonymes, de tous ceux que sa musique avait accompagnés à travers les moments de joie comme à travers les moments de peine. Naïma Samih était plus qu’une artiste, elle était une voix nationale, un symbole de la résilience et de la beauté de l’âme marocaine.
Un héritage impérissable
Naïma Samih laisse derrière elle une œuvre monumentale. Ses chansons, tissées de poésie et d’authenticité, continueront à habiter les cœurs et les mémoires des Marocains pour les générations à venir. Des titres comme « Yak A Jarhi » ou « Jrit Ou Jarit » résonneront toujours, symboles d’une époque révolue mais intemporelle. Les grandes voix ne meurent jamais ; elles perdurent à travers le temps et l’émotion qu’elles ont suscitée.
Le Maroc pleure aujourd’hui une étoile. Mais une étoile, bien que disparue, ne s’éteint jamais vraiment. Naïma Samih continue de briller, quelque part dans le ciel de la chanson marocaine, et son héritage perdurera à travers chaque note, chaque parole, chaque mélodie qu’elle nous a laissées en cadeau.
Adieu à la diva des émotions pures, à la voix des cœurs blessés, à celle qui restera à jamais l’âme du Maroc populaire.