
Le patrimoine culturel immatériel, considéré comme une mémoire vivante des peuples et un reflet de leur identité, constitue une richesse inestimable pour le Maroc. C’est dans ce cadre qu’un colloque scientifique a été organisé, jeudi dernier, à Meknès, par la Commission nationale pour l’éducation, les sciences et la culture, en partenariat avec le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication. L’événement a réuni des experts, chercheurs et acteurs institutionnels qui ont souligné l’importance de la protection juridique de ce patrimoine, essentiel pour la préservation de l’identité culturelle nationale et la réalisation des objectifs de développement durable.
Le soutien royal et les efforts institutionnels
Le colloque a été marqué par l’intervention de Mohamed Ben Taleb, conseiller au Secrétariat Général du Gouvernement et membre de la Commission nationale pour l’éducation, les sciences et la culture. Dans son discours d’ouverture, M. Ben Taleb a rappelé l’intérêt majeur que SM le Roi Mohammed VI accorde à la protection du patrimoine culturel immatériel. Le souverain, a-t-il précisé, soutient activement toutes les initiatives visant à préserver la mémoire historique du Maroc et à renforcer son identité culturelle.
Le conseiller a souligné l’importance des institutions nationales mises en place par le Maroc pour gérer et protéger son patrimoine, telles que les Archives du Maroc, la Fondation nationale des musées, l’Académie du Royaume du Maroc, la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc, et l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine. Ces structures sont chargées de conserver et de valoriser les éléments culturels essentiels pour les générations futures.
Le projet de loi n° 33.22 : un cadre juridique pour la protection du patrimoine
Un point majeur de la discussion a été le projet de loi n° 33.22, actuellement en cours d’adoption, visant à assurer une protection juridique du patrimoine culturel immatériel. Cette loi est perçue comme une étape cruciale pour renforcer la législation autour de la protection des traditions et des pratiques culturelles du Maroc. Elle entend promouvoir l’investissement dans ce secteur, tout en assurant une meilleure gestion des patrimoines culturels et leur valorisation au niveau international.
Le rôle du ministère de la Culture dans la préservation du patrimoine
Abdessalam Amrir, chef du service d’inventaire du patrimoine à la Direction du patrimoine culturel du ministère de la Culture, a mis en avant les efforts soutenus du ministère pour répertorier le patrimoine national. Il a précisé que la célébration du mois du Patrimoine est un moment fort pour sensibiliser le grand public à la richesse du patrimoine immatériel marocain.
Il a également insisté sur l’importance de traiter le patrimoine culturel immatériel avec la même attention que le patrimoine matériel, soulignant qu’il joue un rôle primordial dans l’affirmation de l’identité nationale. De plus, ces pratiques ancestrales peuvent aussi contribuer à la réponse face aux défis climatiques, par exemple, en valorisant l’utilisation de techniques traditionnelles adaptées à l’environnement.
Les projets et réalisations du Comité national pour la Mémoire du Monde
Lors de ce colloque, Fouad Mehdaoui, directeur régional de la culture à Fès-Meknès et membre du Comité national pour la Mémoire du Monde, a présenté les réalisations de ce comité, fondé en 2008. Ce comité est parmi les premières instances dans le monde arabe œuvrant à la préservation du patrimoine culturel et à sa reconnaissance mondiale.
Il a détaillé les quatre propositions marocaines soumises entre 2010 et 2023 pour inscription au registre mondial du Programme Mémoire du Monde de l’UNESCO, à savoir :
- Le Livre des Exemples d’Ibn Khaldoun (Bibliothèque Al Quaraouiyine de Fès),
- L’Urjuza d’Ibn Tufayl (Bibliothèque Al Quaraouiyine de Fès),
- Le Livre de la Chirurgie d’Abu Al-Qasim Al-Zahrawi,
- Le site des gravures rupestres de Foum Chenna (province de Ouarzazate).
Mehdaoui a également abordé les projets de numérisation des archives photographiques et de protection juridique des manuscrits, qui ont été inscrits au patrimoine national en 2017. Ces actions visent à garantir la préservation et la valorisation du patrimoine à travers des actions concrètes.
Le soutien international et la coopération arabe
Hassna Ben Douz, conseillère auprès de la Délégation permanente du Maroc auprès de l’UNESCO, a rappelé l’engagement constant du Royaume en faveur de la préservation du patrimoine. Elle a mis en lumière le message royal adressé aux participants de la 17ᵉ session du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO à Rabat en novembre 2022, dans lequel le souverain insistait sur l’importance de protéger et de promouvoir le patrimoine immatériel tout en luttant contre les tentatives d’appropriation illégitime des cultures.
Elle a souligné que la protection du patrimoine doit inclure toutes ses formes, y compris le patrimoine naturel et géologique, afin d’assurer sa transmission aux générations futures.
La coopération arabe et les efforts de l’ALECSO
Imad Ben Soula, expert en patrimoine auprès de l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (ALECSO), a présenté les efforts de coopération entre les pays arabes pour la préservation du patrimoine culturel immatériel. Cette coopération a permis l’inscription de plusieurs éléments du patrimoine arabe sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO, tels que la calligraphie arabe, la gravure sur métal, le henné, le khôl arabe et le oud (instrument de musique). D’autres propositions, comme la poésie nabatéenne, les chevaux arabes, et l’artisanat de la poterie, sont en cours d’élaboration pour une inscription future.
La contribution de l’UNESCO
Bilal Chabi, expert en patrimoine culturel à l’UNESCO, a évoqué les efforts de l’organisation pour la préservation du patrimoine dans le monde islamique. Il a souligné le rôle du Centre du Patrimoine dans le Monde Islamique et de son Comité du Patrimoine, créé en 2007, pour élaborer des stratégies de préservation du patrimoine matériel et immatériel dans les pays membres.
En conclusion le colloque scientifique de Meknès a permis de mettre en avant l’importance de la protection juridique du patrimoine culturel immatériel et les efforts déployés par le Maroc pour assurer la préservation et la valorisation de son patrimoine culturel vivant. À travers la mise en place de lois, de projets de numérisation, de l’engagement royal et de la coopération internationale, le Maroc réaffirme son engagement en faveur de la sauvegarde de son patrimoine. Le pays est ainsi résolument tourné vers un avenir où l’héritage culturel, qu’il soit immatériel ou matériel, continue de nourrir l’identité nationale et de jouer un rôle central dans le développement social et économique.