
Rabat, février 2025 – Le système éducatif marocain, malgré des efforts considérables, continue d’afficher des résultats décevants, selon un récent Policy Brief publié par le Policy Center for the New South. Dans cet article de fond, l’économiste et expert en politique publique, Larabi Jaïdi, dresse un diagnostic sévère du système éducatif du Royaume, soulignant les difficultés persistantes malgré des investissements colossaux et une succession de réformes entreprises ces dernières années.
Des investissements massifs mais des résultats insuffisants
Au cours des dernières décennies, le Maroc a engagé des investissements financiers importants dans son système éducatif. Ces investissements ont concerné l’infrastructure scolaire, la formation des enseignants, ainsi que la modernisation des programmes et des outils pédagogiques. Cependant, ces efforts n’ont pas permis d’atteindre les objectifs escomptés en matière de performance académique, d’insertion professionnelle des diplômés et de réduction des inégalités.
Le Policy Brief de Larabi Jaïdi met en lumière que, bien que le Royaume ait mis en place des politiques ambitieuses, le système éducatif marocain peine à répondre aux exigences de la société moderne et aux défis de compétitivité dans un monde globalisé. Les résultats, en termes de qualité d’enseignement, restent globalement décevants, avec un taux de répétition scolaire élevé et des élèves souvent mal préparés face au marché du travail.
Gouvernance instable et inefficacité des réformes
Le premier constat du rapport porte sur la gouvernance instable du secteur éducatif marocain. Larabi Jaïdi souligne que les changements fréquents de ministres et de politiques éducatives ont conduit à une instabilité institutionnelle, rendant difficile la mise en œuvre durable des réformes. Cette instabilité politique entrave la cohérence et la continuité des stratégies éducatives et a généré une confusion au sein des acteurs du système éducatif, de l’administration aux enseignants en passant par les parents d’élèves.
Les réformes successives, bien que nombreuses, n’ont pas produit les effets escomptés. Le rapport critique l’inefficacité de certaines réformes qui, bien qu’ambitieuses, n’ont pas été accompagnées de mesures concrètes et durables pour améliorer les pratiques pédagogiques et revaloriser la profession enseignante. De plus, des dysfonctionnements dans la mise en œuvre de ces réformes ont entraîné une perte de confiance dans le système.
Une défiance croissante des familles
Un autre élément clé souligné par l’économiste est la défiance croissante des familles vis-à-vis du système éducatif marocain. Selon l’étude, de plus en plus de parents estiment que le système éducatif ne prépare pas leurs enfants à la réalité du marché de l’emploi. De nombreux jeunes, diplômés, peinent à trouver un emploi stable et rémunéré, ce qui nourrit un sentiment de déception et de mésestime à l’égard des institutions éducatives.
Les familles ont également exprimé des préoccupations concernant l’inégalité d’accès à l’éducation, notamment entre les zones urbaines et rurales. En dépit des efforts pour rendre l’éducation accessible à tous, les disparités régionales persistent, exacerbant les inégalités sociales et économiques.
Inadéquation des contenus pédagogiques avec les besoins du pays
Larabi Jaïdi met également l’accent sur l’inadéquation des contenus pédagogiques avec les besoins réels du Maroc. Le système éducatif continue de produire des diplômés qui ne correspondent pas aux exigences du marché de l’emploi, particulièrement dans des secteurs stratégiques comme les technologies de l’information, les énergies renouvelables, et le secteur industriel.
Le système scolaire marocain reste encore largement traditionnel, avec des programmes et des méthodes pédagogiques qui privilégient l’enseignement théorique au détriment des compétences pratiques et des capacités d’innovation. Selon Jaïdi, cela conduit à une désynchronisation entre les qualifications des diplômés et les compétences réellement demandées par les entreprises marocaines, qui peinent à recruter des profils adaptés.
Vers une refonte nécessaire du système éducatif
Le diagnostic dressé par l’économiste appelle à une réforme profonde du système éducatif marocain. La refonte devrait se concentrer sur la stabilisation de la gouvernance et l’amélioration des pratiques pédagogiques, ainsi que sur l’adaptation des contenus scolaires aux réalités économiques et aux technologies de demain. En outre, une attention particulière doit être portée sur la formation continue des enseignants et la valorisation de leur rôle dans la société.
Il est également essentiel d’impliquer les familles et les communautés locales dans le processus éducatif pour rétablir une relation de confiance avec l’école et garantir une meilleure inclusion de tous les élèves.
En dépit des investissements financiers importants et des réformes entreprises, le système éducatif marocain continue de souffrir de nombreuses faiblesses structurelles. Les défis restent nombreux, notamment la gouvernance instable, l’inefficacité des réformes, la défiance des familles et l’inadéquation des contenus pédagogiques. Le Maroc doit entreprendre une réflexion sérieuse et profondément réformatrice pour améliorer son système éducatif et répondre aux besoins d’un marché du travail dynamique et d’une société de plus en plus exigeante.