
Le secteur agricole et agroalimentaire marocain, reconnu comme l’un des piliers majeurs de l’économie du Royaume, est un moteur de développement, générant des milliards de dirhams et offrant des emplois à près de 2 millions de personnes. Avec une contribution de 26% au PIB industriel, il occupe une place centrale dans la croissance économique du Maroc. Cependant, une étude récente met en lumière une autre facette de cette prospérité : une réalité marquée par des salaires misérables, des conditions de travail précaires, et une absence flagrante de protection sociale pour les travailleurs. Ces constats proviennent du rapport intitulé « Entreprises agricoles et agroalimentaires au Maroc : un continuum de violations et de respect des droits humains », mené par le Rabat Social Studies Institute (RSSI) en collaboration avec Avocats sans frontières (ASF).
Une Réalité Contrastée : Des Chiffres et des Violations
Malgré ses résultats financiers impressionnants et son rôle crucial dans l’économie marocaine, le secteur agricole et agroalimentaire semble reposer sur des fondations fragiles, caractérisées par des violations des droits des travailleurs. Selon l’étude, bien qu’il génère plus de 30 milliards de dirhams et soit responsable d’une part importante du PIB industriel, un tiers des travailleurs subissent des violations de leurs droits.
Les ouvriers agricoles, souvent issus des milieux les plus vulnérables de la société, sont confrontés à des conditions de travail extrêmement difficiles. Leur situation est exacerbée par un manque de régulation et de contrôle efficaces, notamment en ce qui concerne l’accès à la protection sociale. Les salaires restent largement insuffisants par rapport à la valeur produite, ce qui crée une disparité flagrante entre la prospérité des entreprises et la précarité des travailleurs.
Des Conditions de Travail Précaires et du Harcèlement
L’étude dévoile également une situation particulièrement préoccupante pour les ouvrières du secteur. En effet, 65% des femmes travaillant dans les entreprises agricoles et agroalimentaires rapportent avoir subi du harcèlement sur leur lieu de travail. Ce phénomène persistant indique un climat de travail toxique, où les inégalités entre hommes et femmes se manifestent non seulement par des salaires plus bas, mais aussi par des comportements discriminatoires et abusifs.
Les conditions de travail des ouvriers, quant à elles, sont souvent caractérisées par des horaires longs, une absence de rémunération pour les heures supplémentaires, et un manque de respect des normes de sécurité au travail. Les travailleurs sont également exposés à des risques sanitaires liés à l’utilisation de produits chimiques, sans disposer d’une couverture médicale ou d’une formation adéquate pour se protéger.
L’Accaparement des Ressources en Eau : Une Pratique Inquiétante
Un autre point soulevé par l’étude concerne la gestion des ressources en eau, qui est cruciale pour l’agriculture marocaine. Environ 87% des ressources en eau du pays sont utilisées pour l’agriculture, mais sans un contrôle efficace. Cela entraîne une surexploitation de cette ressource précieuse, avec des conséquences graves pour l’environnement et les communautés locales. L’étude met en lumière un manque de régulation et d’efficacité dans la gestion de l’eau, ce qui peut aggraver la situation de pénurie dans certaines régions, tout en bénéficiant principalement à de grandes entreprises agricoles.
L’Appel à un Changement Structurel
Les résultats de cette étude font ressortir les nombreuses failles du secteur agricole et agroalimentaire marocain. Le rapport du RSSI et d’Avocats sans frontières appelle à une réforme profonde de la manière dont sont gérées les conditions de travail et les ressources naturelles dans ce secteur.
Les recommandations incluent la mise en place de mécanismes de contrôle rigoureux pour assurer la protection des droits des travailleurs et une gestion plus équitable des ressources en eau. De plus, l’amélioration des conditions de travail, notamment par l’instauration de salaires décents et l’instauration de protections sociales pour les ouvriers, est essentielle pour garantir un développement plus juste et plus durable de ce secteur stratégique pour l’économie du pays.
Une Réforme Nécessaire
Bien que le secteur agricole et agroalimentaire marocain soit un moteur de croissance et de prospérité pour le pays, il reste marqué par des inégalités et des violations des droits fondamentaux de ses travailleurs. L’étude du RSSI et d’Avocats sans frontières révèle une situation préoccupante, où les bénéfices économiques générés ne se traduisent pas par une amélioration des conditions de vie des travailleurs. Pour que ce secteur puisse continuer à croître de manière durable et bénéfique pour tous, il est impératif que des réformes profondes soient entreprises, tant au niveau de la gestion des ressources naturelles que des droits des travailleurs.