Le Ramadan, miroir des inégalités alimentaires

Le Ramadan, miroir des inégalités alimentaires

À moins d’une semaine du début du mois sacré de Ramadan, les ménages marocains se préparent à accueillir cette période de jeûne et de spiritualité. Cependant, cette anticipation se mêle à des préoccupations de plus en plus croissantes concernant l’alimentation, notamment dans un contexte de hausse des prix et de tensions sur les produits alimentaires de base. Si le Ramadan est un moment de convivialité et de partage, il met également en lumière une fracture alimentaire marquée par l’évolution des habitudes de consommation et l’aggravation des inégalités sociales.

Un rapport récent du Haut Commissariat au Plan (HCP) a mis en lumière ces évolutions dans la consommation alimentaire des Marocains entre 2014 et 2022. Alors que les ménages s’adaptent aux changements économiques et sociaux, leur panier alimentaire subit une transformation significative. Le mois de Ramadan, avec ses exigences spécifiques en matière de préparation de repas, reflète cette dynamique de changements.

Une mutation des habitudes alimentaires au Maroc : un bilan contrasté

Le rapport du HCP sur le niveau de vie des ménages révèle plusieurs tendances intéressantes et préoccupantes. L’une des premières observations est le changement dans la répartition des dépenses alimentaires. Les ménages marocains semblent avoir modifié leurs priorités alimentaires, non seulement en termes de produits mais aussi dans la manière dont ils consomment.

Baisse des dépenses en céréales et hausse des légumes

L’un des changements les plus marquants est la baisse de la part des dépenses consacrées aux céréales, qui est passée de 16% en 2014 à 12,5% en 2022. Cette diminution pourrait être due à une diversification des sources de nutrition, notamment pour les classes moyennes et supérieures qui choisissent d’incorporer davantage de légumes frais et de produits divers dans leur alimentation. En effet, la consommation de légumes frais a augmenté de manière significative, passant de 8% à 10,2%, ce qui témoigne d’une prise de conscience accrue sur l’importance d’une alimentation saine et équilibrée.

L’essor des repas à l’extérieur

Une autre tendance de consommation notable est l’augmentation de l’intérêt pour les repas pris à l’extérieur, qui a presque doublé en huit ans. En 2014, cette part représentait 6,5% des dépenses alimentaires, alors qu’en 2022, elle est montée à 12,8%. Cette évolution est encore plus marquée en milieu urbain, où le rythme de vie rapide et les exigences professionnelles poussent de plus en plus de Marocains à se tourner vers la restauration hors domicile. Le ramadan, traditionnellement axé sur les repas familiaux à la maison, pourrait ainsi refléter cette tendance à un changement de mode de consommation alimentaire.

Les inégalités alimentaires persistantes

Cependant, l’évolution des habitudes alimentaires n’est pas uniforme et met en lumière une fracture de plus en plus marquée entre les différents groupes socio-économiques. Si les ménages les plus aisés ont tendance à diversifier leur alimentation, en consacrant une part croissante de leur budget aux repas à l’extérieur, ceux appartenant aux couches sociales plus modestes continuent de se concentrer principalement sur des produits de base comme les céréales, les légumineuses et l’huile.

Les viandes et poissons, éléments essentiels du menu pendant le Ramadan, montrent une disparité flagrante dans leur consommation. Les ménages les plus riches y consacrent une part beaucoup plus importante de leur budget, tandis que pour les ménages moins aisés, ces produits restent des produits de luxe, souvent absents du panier alimentaire quotidien. Cette situation témoigne d’une inégalité d’accès à des sources de protéines de qualité, exacerbée par la fluctuation des prix des produits alimentaires de base.

Le Ramadan, miroir des inégalités alimentaires

Le mois de Ramadan, où les repas sont souvent copieux et abondants, révèle ces fractures de manière particulièrement visible. En effet, si les familles des couches sociales plus favorisées peuvent se permettre de varier les mets et de proposer des menus riches en viandes et poissons, d’autres ménages doivent se contenter de repas plus simples, souvent à base de riz, de pain, et de légumes de saison.

De plus, l’augmentation des prix des produits alimentaires durant la période précédant le Ramadan accentue les difficultés des ménages les plus vulnérables. Les prix des produits de consommation de base comme l’huile, le sucre, le lait et les céréales sont en constante augmentation, ce qui met une pression supplémentaire sur les budgets familiaux. Ainsi, pour beaucoup, l’esprit de solidarité du Ramadan est terni par la réalité des inégalités alimentaires persistantes.

L’appel à une réforme de la politique alimentaire

Cette transformation des habitudes de consommation et la montée des inégalités alimentaires posent la question de la durabilité du modèle économique actuel en matière de production et de distribution alimentaires. Le rapport du HCP met en évidence la nécessité de réformes urgentes pour garantir un meilleur accès à une alimentation saine et équilibrée pour tous les Marocains, en particulier pour les ménages modestes.

Il devient essentiel de mettre en place des politiques de régulation des prix et d’encourager une production agricole durable pour garantir que tous les citoyens puissent participer pleinement aux festivités du Ramadan sans avoir à sacrifier leur bien-être alimentaire quotidien. La diversification des sources alimentaires, la promotion de l’agriculture locale et l’éducation à une alimentation saine et abordable devraient être au cœur de la réforme alimentaire nationale.

Un Ramadan sous le signe des inégalités alimentaires

Alors que le compte à rebours pour le Ramadan 2025 se poursuit, les ménages marocains se retrouvent à la croisée des chemins entre traditions et préoccupations économiques. Le mois sacré, symbole de partage et de solidarité, met en lumière les profondes inégalités alimentaires qui affectent une grande partie de la population. Si le panier alimentaire des Marocains a indéniablement évolué ces dernières années, il reste encore beaucoup à faire pour garantir une meilleure équité alimentaire et permettre à chacun, indépendamment de son statut social, de vivre pleinement le Ramadan, tout en ayant accès à une alimentation saine et de qualité.

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