La musique marocaine est un art riche, varié et profondément ancré dans l’histoire du pays. Parmi les nombreux styles musicaux qui composent l’univers sonore marocain, le makam occupe une place unique et fondamentale. Ce terme, d’origine arabe, désigne une gamme musicale particulière, mais aussi le système de tonalités et de modes qui structurent la musique traditionnelle marocaine, notamment dans la musique andalouse et les styles de la musique classique marocaine.
Qu’est-ce que le Makam ?
Le makam est un terme qui peut désigner deux aspects distincts dans la musique marocaine :
- Le mode musical : Il s’agit d’une structure mélodique qui repose sur un ensemble de notes, créant des échelles spécifiques avec des intervalles précis. Le makam peut être vu comme une sorte de « palette » musicale sur laquelle un compositeur ou un interprète peut jouer pour exprimer des émotions et des idées musicales.
- Le répertoire : En plus du mode, le terme « makam » fait aussi référence à des compositions et à un répertoire musical qui s’appuie sur ces modes, souvent utilisées dans des contextes spécifiques comme les cérémonies, les événements culturels, ou les performances artistiques.
Les Origines et Influences du Makam au Maroc
Le concept de makam trouve ses racines dans la musique arabe classique, mais il a été influencé par diverses traditions musicales qui se sont mélangées au fil des siècles. Notamment, la musique andalouse, apportée en Afrique du Nord par les réfugiés musulmans et juifs de la péninsule ibérique au Moyen Âge, a grandement contribué à l’élaboration de ces modes.
Au Maroc, la musique andalouse est particulièrement importante dans les villes de Fès, Marrakech et Salé, où des ensembles musicaux spécialisés dans cette tradition sont encore très actifs. Le makam joue un rôle clé dans cette musique, créant une atmosphère méditative et expressive.
Le makam a aussi des liens avec d’autres traditions musicales arabes, turques et perses, tout en ayant évolué de manière unique au Maroc, où il s’est enrichi des influences berbères, arabes et andalouses.
Le Système des Makams
Les makams marocains sont définis par un ensemble de notes et de mélodies organisées en modes, chaque makam ayant une personnalité unique. En voici quelques exemples :
- Makam Hijaz : Ce mode est souvent associé à des pièces dramatiques et émotionnelles. Il a un ton légèrement oriental, avec des intervalles de demi-tons caractéristiques qui lui donnent une couleur particulière, souvent perçue comme expressive et mélancolique.
- Makam Rast : L’un des modes les plus populaires dans la musique marocaine, souvent utilisé pour les pièces joyeuses ou solennelles. Il a une structure plus régulière, créant une sensation de stabilité et d’harmonie.
- Makam Bayati : Ce mode a une sonorité douce et méditative, souvent utilisée dans des chants d’amour ou des pièces spirituelles. Il est courant dans la musique andalouse et les performances de musique soufie.
- Makam Saba : Ce makam est plus sombre et mystérieux, souvent associé à des thèmes de nostalgie ou de spiritualité. Sa couleur particulière le rend adapté à des compositions plus introspectives et profondes.
Ces modes sont souvent intégrés dans des taqsims, des improvisations musicales où les musiciens, en particulier les instrumentistes, explorent la liberté créative tout en respectant les règles et l’esprit du makam.
Le Makam dans la Musique Andalouse et Autres Genres au Maroc
La musique andalouse marocaine, notamment à travers les écoles de musiques classique de Fès, Casablanca ou Marrakech, se caractérise par l’utilisation de makams pour structurer les pièces musicales. Cette musique est souvent interprétée par des ensembles traditionnels comprenant des instruments comme le luth (ou oud), la vièle (ou kamanja), le nay (flûte), le tar (tambour) et d’autres instruments typiques de la région.
Le makam n’est pas seulement une structure théorique : il a également une forte dimension émotionnelle et spirituelle. Par exemple, dans la musique soufie, certains makams sont utilisés pour provoquer une transe mystique, facilitant la méditation et la connexion spirituelle.
Le makam se retrouve aussi dans la musique populaire marocaine, notamment dans des styles comme le chaâbi ou le gnawa. Même si ces genres sont souvent plus influencés par des rythmes et des formes plus accessibles et populaires, l’utilisation de certains makams dans leur base mélodique apporte une profondeur et une connexion avec les racines classiques de la musique marocaine.
Le Makam et l’Improvisation
L’un des aspects les plus fascinants du makam dans la musique marocaine est son rôle dans l’improvisation. Un des principes clés dans la musique traditionnelle marocaine est la capacité du musicien à improviser à partir d’un makam. Cela se fait principalement lors des performances instrumentales, où les musiciens s’appuient sur leur maîtrise du makam pour créer des variations mélodiques subtiles.
Les improvisations sont appelées taqsims, et elles sont un véritable spectacle. Lors d’une performance en direct, un ou plusieurs musiciens peuvent prendre un makam et l’explorer sous forme d’improvisation, exprimant leurs émotions tout en respectant les règles du mode. C’est souvent dans ces moments d’improvisation que le véritable art musical et la magie de la performance marocaine prennent vie.
Le Makam, un Héritage Musical Vivant
Le makam est bien plus qu’un simple mode musical. C’est un langage universel qui traverse les siècles, un véhicule d’émotions et de connexions spirituelles profondes. Que ce soit dans la musique andalouse, soufie ou populaire, les makams forment le cœur battant de la musique marocaine traditionnelle.
À travers ses improvisations, ses harmonies et ses textures émotionnelles, le makam continue de captiver et de fasciner les générations, tout en préservant une connexion profonde avec le patrimoine culturel et musical du Maroc. Les musiciens marocains, qu’ils soient traditionnels ou contemporains, continuent de nourrir et d’enrichir cet héritage vivant, assurant ainsi que le makam reste une part essentielle de l’identité musicale marocaine.