L’histoire des Byzantins au Maroc est une période peu connue mais intéressante de l’histoire du Maghreb. Les Byzantins étaient les héritiers de l’Empire romain d’Orient, qui avait conservé une partie de l’Afrique du Nord après la chute de l’Empire romain d’Occident au Ve siècle. Ils étaient en concurrence avec les Vandales, un peuple germanique qui avait envahi la région au début du Ve siècle, et avec les tribus berbères, les habitants autochtones du Maroc.
Les Byzantins ont établi leur présence au Maroc à partir du VIe siècle, sous le règne de l’empereur Justinien Ier, qui voulait restaurer l’unité de l’Empire romain. Il envoya son général Bélisaire reconquérir la province d’Africa, qui comprenait l’actuelle Tunisie, la Libye et une partie de l’Algérie. Bélisaire vainquit les Vandales en 533 et s’empara de leur capitale, Carthage. Il poursuivit ensuite sa campagne vers l’ouest et soumit les villes côtières du Maroc, comme Tanger, Ceuta et Volubilis.
Les Byzantins ne contrôlaient toutefois pas tout le territoire marocain. Ils se heurtaient à la résistance des tribus berbères, qui étaient divisées en plusieurs groupes, comme les Masmouda, les Zenata et les Sanhaja2. Ces tribus avaient leur propre organisation politique, sociale et religieuse, et ne reconnaissaient pas l’autorité byzantine. Certaines d’entre elles étaient même alliées aux Vandales ou aux Wisigoths, un autre peuple germanique qui régnait sur l’Espagne.
Les Byzantins tentèrent de s’allier avec certaines tribus berbères, en leur offrant des avantages fiscaux ou militaires. Ils essayèrent aussi de les convertir au christianisme orthodoxe, qui était la religion officielle de l’Empire byzantin. Mais ces efforts furent en vain, car les Berbères restaient attachés à leurs croyances traditionnelles ou adoptaient le christianisme monophysite, une doctrine considérée comme hérétique par les Byzantins.
L’influence byzantine au Maroc fut donc limitée et précaire. Elle fut remise en cause par l’arrivée d’un nouvel acteur dans la région : l’islam. Au VIIe siècle, les Arabes musulmans lancèrent des conquêtes fulgurantes depuis la péninsule arabique. Ils s’emparèrent de la Syrie, de la Palestine, de l’Égypte et de la Perse, puis franchirent le détroit de Gibraltar et envahirent l’Espagne. Ils affrontèrent les Byzantins sur plusieurs fronts, notamment en Afrique du Nord.
Les premières incursions arabes au Maroc eurent lieu vers 647-648, sous le califat d’Othman ibn Affan. Elles furent menées par Abdallah ibn Saad, le gouverneur d’Égypte, qui voulait étendre son pouvoir vers l’ouest. Il rencontra peu de résistance de la part des Byzantins, qui étaient affaiblis par des guerres civiles et des invasions barbares. Il pilla les villes côtières du Maroc et imposa un tribut aux tribus berbères.
Mais ces raids ne se traduisirent pas par une occupation durable du territoire marocain. Les Arabes se retirèrent après avoir collecté le butin et les tributs. Ils revinrent à plusieurs reprises au cours du VIIe siècle, mais sans parvenir à s’établir solidement dans la région. Ils se heurtèrent à la résistance des Berbères, qui refusaient de se soumettre à leur autorité religieuse et politique.
Ce n’est qu’à partir du début du VIIIe siècle que les Arabes réussirent à imposer leur domination au Maroc. Ils profitèrent de la révolte des Berbères contre les Byzantins, qui avaient augmenté les impôts et persécuté les chrétiens monophysites. Les Berbères se rallièrent alors aux Arabes, qui leur promettaient l’égalité et la justice. Ils se convertirent massivement à l’islam et participèrent aux campagnes militaires des Arabes en Espagne et en France.
Les Byzantins furent ainsi chassés du Maroc, qui devint une province de l’Empire musulman. Ils ne conservèrent que quelques positions isolées sur la côte méditerranéenne, comme Ceuta, qui fut prise par les Arabes en 710. Ils perdirent définitivement tout contact avec le Maroc après la chute de Carthage en 698, qui marqua la fin de leur présence en Afrique du Nord.
L’histoire des Byzantins au Maroc est donc une histoire de confrontation et de coexistence entre trois cultures : la culture byzantine, héritière de la civilisation romaine ; la culture berbère, ancienne et originale ; et la culture arabe, porteuse d’un nouveau message religieux. Elle témoigne de la complexité et de la richesse du passé du Maroc, qui a su intégrer les apports de ces différentes influences.