
Dans son roman Fragments d’ombre et de lumière, Mounir Ferram explore une question universelle : comment l’humain peut-il surmonter les blessures du passé et trouver un sens à sa vie après un drame personnel ? À travers l’histoire d’un homme marqué par un événement tragique, Ferram tisse un récit où la quête de guérison se fait à travers la parole et le conte, dans un Marrakech vibrant de vie et de contradictions.
Le Protagoniste : Un Homme Marqué par la Douleur
Le protagoniste de Fragments d’ombre et de lumière est un homme qui, après un drame personnel qui bouleverse son existence, choisit de fuir son passé et de se réfugier à Marrakech. Cette fuite n’est pas seulement géographique, mais aussi émotionnelle et psychologique. Le personnage est un homme qui, rongé par sa douleur, cherche à se reconstruire dans un environnement effervescent, celui de la célèbre place Jamaâ El Fna, où se mêlent les voix des conteurs, des marchands, des musiciens et des acrobates.
La ville, dans toute sa diversité, devient à la fois un refuge et un miroir des contradictions internes du personnage. C’est dans cette effervescence que l’homme découvre, par hasard, le pouvoir du conte. Le roman s’inspire ainsi de la richesse de la tradition orale marocaine pour traiter de la résilience. Ce n’est pas seulement un homme qui cherche à guérir de son passé, mais un homme qui découvre à travers la parole un moyen de tisser des liens avec les autres et de redonner du sens à son errance.
La Parole : Un Moyen de Guérison et de Reconstruction
Ce qui rend Fragments d’ombre et de lumière particulièrement poignant, c’est sa manière de mettre en avant le rôle central du langage dans la guérison et la reconstruction. Pour le protagoniste, la parole devient bien plus qu’un simple outil de communication ; elle devient une matière vivante capable de recomposer une existence brisée. Le récit, tout en retraçant le parcours du personnage, interroge la capacité de la parole à réparer l’âme, à transcender la douleur et à transformer l’expérience du traumatisme en quelque chose de constructif.
Le narrateur ne se contente pas de survivre à son passé. À travers les récits qu’il se raconte à lui-même et à ceux qu’il rencontre, il cherche à donner du sens à son histoire personnelle. C’est en utilisant le conte comme médium qu’il commence à reconstruire une part de son humanité perdue. Le conte, dans ce roman, ne sert pas seulement à fuir la réalité, mais à la confronter et à la dépasser.
La Rencontre Avec l’Enfant : Une Quête Commune
Le tournant du roman survient lorsque le protagoniste rencontre un enfant des rues. Cette rencontre symbolise un moment clé dans le processus de guérison du narrateur. L’enfant, tout comme lui, porte en lui des cicatrices invisibles. Ensemble, ils forment un duo improbable et, en construisant une relation basée sur l’écoute et l’échange, ils ouvrent un espace où la parole devient un refuge. Ce refuge est celui du récit, qui permet non seulement de se libérer du poids du passé, mais aussi de partager la douleur et d’offrir à l’autre une possibilité de rédemption.
Le lien qui se tisse entre le narrateur et l’enfant des rues va bien au-delà d’une simple interaction entre un adulte et un enfant. C’est une véritable quête de transmission, où la parole et l’écoute deviennent des outils de transformation et de résistance contre l’oubli et l’indifférence. Ensemble, ils cherchent à reconstruire un monde où le langage permet de donner de la valeur à l’existence de ceux qui en ont été privés.
Résilience, Mémoire et Transmission
Le roman s’inscrit dans une réflexion plus large sur la mémoire, la transmission et le rôle de l’individu dans une société marquée par l’errance et l’exclusion. Ferram nous invite à nous interroger sur ce qui définit réellement un être humain : est-ce la douleur qu’il porte en lui ou la manière dont il choisit de la porter ?
L’errance du personnage, aussi bien physique que spirituelle, est une métaphore de l’isolement social. Mais par le biais du conte, cette errance se transforme en une forme de recherche. À travers cette quête, le narrateur apprend que le véritable sens de la vie ne réside pas dans la fuite du passé, mais dans la capacité à partager et à transmettre son histoire. Il comprend que la parole, loin d’être une simple expression personnelle, devient un moyen de guérison collective, un pont entre les individus et entre les générations.
En somme Fragments d’ombre et de lumière est bien plus qu’un roman sur la résilience ; c’est un hymne à la parole, un plaidoyer pour la transmission de la mémoire et de l’humanité. À travers l’histoire de cet homme brisé, Mounir Ferram interroge la capacité des êtres humains à surmonter leurs blessures, non seulement à travers la guérison individuelle, mais aussi par la création de liens solidaires. Le conte, dans ce roman, devient un espace de réconfort et un moyen d’offrir un sens à la souffrance, tout en transformant celle-ci en un outil de réconciliation et de renaissance.