
Dans un récent rapport intitulé « Renoncer au sacrifice de l’Aïd 2025 : alléger les charges sociales et libérer la stabilité économique (étude estimative des gains et des impacts) », le Centre de Prospective Économique et Sociale a présenté une analyse approfondie des effets de la décision de suspendre l’abattage du sacrifice pendant la saison en cours, particulièrement en ce qui concerne le cheptel national, les petits éleveurs et les secteurs connexes. Cette initiative suscite des débats sur son impact économique, social et industriel, et le rapport propose plusieurs mesures pour soutenir les acteurs concernés.
Suspension du Sacrifice : Un Contexte de Sécheresse et de Réduction du Cheptel
La décision de suspendre le sacrifice de l’Aïd en 2025 fait suite à la situation difficile du secteur de l’élevage, aggravée par des conditions climatiques défavorables et une baisse significative du cheptel national. L’objectif de cette mesure est de préserver la durabilité du cheptel, en particulier face aux impacts de la sécheresse qui ont réduit les effectifs des animaux. Bien que cette décision vise à alléger les charges économiques et sociales, elle entraîne des conséquences sur les éleveurs et l’industrie qui doivent être prises en compte.
Impact sur les Petits Éleveurs et Secteurs Connexes
Le rapport a souligné la nécessité d’une évaluation complète du cheptel national, ainsi que de la situation des petits éleveurs, afin de mesurer les répercussions réelles de la suspension du sacrifice. Il a été recommandé la mise en place d’une commission gouvernementale pour surveiller l’évolution des prix de la viande et des fourrages, avec une intervention sous forme de subventions ou de régulation des prix si ceux-ci dépassent les 120 dirhams par kilogramme. Cette mesure vise à garantir des prix abordables pour la viande, tout en évitant une spéculation excessive qui pourrait nuire à la consommation.
En plus des subventions directes aux éleveurs, le rapport a souligné l’importance d’accorder des subventions financières aux petits éleveurs pour soutenir leur activité, particulièrement face aux difficultés engendrées par la réduction de la demande. Ces subventions aideraient les éleveurs à maintenir leur production et à surmonter les effets de la décision, tout en les incitant à intensifier leur activité d’élevage pour compenser les pertes subies.
Le Centre a également fait valoir que même les secteurs indirectement touchés, comme l’industrie du cuir, nécessitent un soutien pour compenser les pertes dues à la baisse de la demande liée à la suspension du sacrifice. Les éleveurs ne seront pas les seuls concernés par cette décision, mais aussi toute une chaîne de valeur qui englobe des secteurs industriels.
Recommandations pour la Restructuration du Secteur de l’Élevage
Le rapport a recommandé une série de mesures pour soutenir la restructuration du secteur de l’élevage et accroître la productivité du cheptel national. Parmi les propositions figurent des investissements dans des programmes d’insémination artificielle et l’amélioration des races pour augmenter la productivité du cheptel de 20 à 25 % sur trois ans. Ces mesures permettraient d’améliorer la qualité du cheptel et de renforcer sa résilience face aux conditions climatiques difficiles.
Le rapport a également suggéré la création de fermes modèles intégrant des technologies modernes économes en eau, avec l’objectif ambitieux d’ajouter un million de têtes au cheptel national d’ici 2027. Cette initiative viserait à moderniser l’agriculture et l’élevage au Maroc, en privilégiant des pratiques durables et innovantes pour renforcer l’autosuffisance alimentaire.
Renforcement de la Sécurité Alimentaire et Planification des Stocks Stratégiques
Pour faire face aux éventuelles fluctuations de l’offre de viande et garantir la sécurité alimentaire, le rapport recommande la mise en place d’un stock stratégique de viande congelée d’au moins 50 000 tonnes. Ce stock servirait à stabiliser les prix en cas de baisse de l’offre et éviterait des hausses brusques des prix qui affecteraient la consommation des ménages marocains.
En parallèle, le rapport plaide pour l’augmentation de la production nationale, plutôt que de recourir aux importations de viande, qui pourraient exacerber la crise. Une politique agricole orientée vers l’augmentation de la production interne permettrait au Maroc de mieux contrôler son marché alimentaire et de réduire sa dépendance à l’égard des produits importés.
Répercussions Économiques et Gains Potentiels
L’un des points essentiels du rapport est l’analyse des gains économiques générés par la suspension du sacrifice. Selon les estimations du Centre de Prospective, la décision pourrait libérer 20 milliards de dirhams en liquidités pour les ménages marocains. En effet, avec un prix moyen de 4 000 dirhams pour un sacrifice, et une estimation de cinq millions de familles participant au sacrifice, l’économie libérée pourrait être significative, renforçant ainsi la capacité de consommation des ménages.
En conclusion, bien que la décision de suspendre le sacrifice de l’Aïd 2025 soit prise dans le but de préserver le cheptel national face aux défis de la sécheresse et d’assurer la durabilité de l’élevage, elle nécessite des mesures d’accompagnement robustes pour soutenir les éleveurs et les secteurs connexes. Le Centre de Prospective Économique et Sociale met en avant des propositions concrètes, notamment des subventions, des investissements dans la modernisation de l’élevage, et la mise en place d’un stock stratégique de viande, pour garantir la stabilité économique et sociale du pays dans cette période délicate. Une intervention rapide et efficace de l’État est cruciale pour atténuer les effets négatifs et assurer la résilience de ce secteur vital pour l’économie marocaine.