L’Algérie et la France : Tensions croissantes autour des manœuvres militaires « Chergui 2025 »

Le 6 mars 2025, un épisode de plus a marqué la relation complexe entre l’Algérie et la France. Le ministère algérien des Affaires étrangères a convoqué l’ambassadeur de France à Alger, Stéphane Romatet, pour lui faire part de la vive protestation du gouvernement algérien concernant les manœuvres militaires conjointes franco-marocaines, intitulées « Chergui 2025 », prévues en septembre 2025 dans la région d’Errachidia, au Maroc. Cette convocation s’inscrit dans un contexte diplomatique de plus en plus tendu, alimenté par des divergences historiques et des enjeux géopolitiques majeurs, en particulier autour du conflit du Sahara Occidental.

Une réaction à fleur de peau de l’Algérie

Le ministère algérien des Affaires étrangères a exprimé sa « gravité » face à ces manœuvres militaires, soulignant leur proximité avec la frontière algérienne et leur nom « très évocateur », Chergui étant une référence à la région du Sahara. Selon l’Algérie, cet exercice militaire représente bien plus qu’une simple coopération bilatérale : c’est une provocation directe à l’égard de l’Algérie. La réaction d’Alger reflète non seulement les tensions historiques entre l’Algérie et le Maroc, mais aussi un contexte diplomatique particulièrement tendu avec la France, à laquelle l’Algérie reproche régulièrement son soutien implicite ou explicite à la position marocaine sur le Sahara Occidental.

Lounes Magramane, secrétaire général du ministère algérien des Affaires étrangères, a insisté sur le fait que cet exercice militaire pourrait aggraver la crise diplomatique actuelle entre les deux pays. L’Algérie est profondément inquiète de la position de la France concernant le Sahara Occidental, qu’elle perçoit comme un soutien trop marqué pour les revendications marocaines sur ce territoire, un territoire que l’Algérie soutient fermement comme étant une région sous domination coloniale et qu’elle considère comme devant obtenir son indépendance.

Les enjeux géopolitiques du Sahara Marocain

La question du Sahara Occidental est au cœur des relations tendues entre l’Algérie, le Maroc et la France. Depuis des décennies, le Maroc revendique la souveraineté sur ce territoire, tandis que l’Algérie soutient le Front Polisario, un mouvement indépendantiste sahraoui qui lutte pour l’autodétermination du Sahara Occidental. Ce différend a créé une fracture dans les relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, mais aussi entre l’Algérie et certains de ses partenaires internationaux, dont la France.

L’Algérie voit dans la participation de la France aux exercices militaires Chergui 2025 non seulement un acte de soutien implicite à la position marocaine sur le Sahara, mais aussi un renforcement des liens militaires entre les deux pays voisins, renforçant ainsi l’isolement diplomatique de l’Algérie sur cette question. En raison de la position historique de la France en Afrique du Nord et de ses relations stratégiques avec le Maroc, Alger interprète cette coopération militaire comme un renforcement de la pression géopolitique sur son territoire et ses alliés dans la région saharienne.

La convocation de l’ambassadeur de France : un geste diplomatique symbolique

L’action d’Alger de convoquer l’ambassadeur français à Alger représente un geste diplomatique fort. La convocation n’est pas seulement une demande d’éclaircissements sur les raisons de la participation française aux manœuvres, mais aussi un message politique clair adressé à Paris. L’Algérie cherche à marquer son désaveu de cette coopération militaire et à obtenir des assurances sur la position de la France vis-à-vis de la question du Sahara Occidental.

Au-delà des manœuvres militaires elles-mêmes, ce geste est une nouvelle manifestation de la fragilité des relations franco-algériennes, déjà marquées par des tensions liées à l’histoire coloniale, les questions mémorielles et les divergences sur la politique étrangère. L’Algérie cherche ainsi à marquer son indépendance diplomatique face à ce qu’elle perçoit comme une ingérence de la France dans ses affaires régionales et un alignement trop marqué avec son rival marocain.

Une crise diplomatique grandissante

La crise des relations franco-algériennes semble se nourrir de plusieurs facteurs. D’abord, la position de la France sur le Sahara Occidental, où elle reste souvent perçue par l’Algérie comme trop favorable à la position marocaine, suscite une frustration croissante à Alger. Ensuite, il y a les manœuvres militaires conjointes qui, au-delà de leur aspect militaire, sont considérées comme un renforcement des liens entre la France et le Maroc au détriment des intérêts géopolitiques algériens.

D’autres tensions, comme les questions mémorielles liées à la guerre d’indépendance de l’Algérie, le manque de réconciliation entre les deux pays sur certains dossiers historiques et la gestion des relations économiques et migratoires, viennent également exacerber une situation déjà complexe. La réaction algérienne face à Chergui 2025 fait écho à ces désaccords accumulés et à l’idée qu’une telle coopération militaire franco-marocaine ne fait qu’aggraver une situation déjà tendue.

Vers une escalade des tensions ?

Si la France cherche à apaiser la situation en fournissant des éclaircissements sur son rôle dans les manœuvres militaires, les tensions pourraient persister et même se intensifier. L’Algérie pourrait considérer que la France, en renforçant ses liens avec le Maroc sur le plan militaire, cherche à établir une domination régionale qui empiète sur ses propres intérêts et son rôle historique dans le monde arabe et africain.

La réaction de la France à cette protestation pourrait avoir des implications importantes pour la suite des relations diplomatiques entre les deux pays. Si Paris choisit de minimiser la question ou de soutenir ses engagements militaires avec le Maroc, cela pourrait mener à une nouvelle crise diplomatique, affectant d’autres aspects des relations bilatérales, y compris les relations économiques, la coopération en matière de sécurité et les échanges culturels.

En conclusion l’incident des manœuvres Chergui 2025 et la réaction de l’Algérie en convoquant l’ambassadeur de France soulignent la complexité et la fragilité des relations diplomatiques entre les deux pays. Ce nouvel épisode de tensions met en lumière les rivalités géopolitiques en Afrique du Nord, où les enjeux liés au Sahara Marocain, à l’histoire coloniale et aux rapports de force régionaux continuent de dominer les débats diplomatiques. Alors que le Maroc renforce ses relations stratégiques avec la France, l’Algérie, quant à elle, cherche à affirmer sa position sur la scène internationale, particulièrement concernant ses intérêts au Sahara et en Afrique du Nord.

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