Le Protectorat espagnol au Maroc Une domination coloniale sur le nord du pays (1912-1956)

Le Protectorat espagnol au Maroc : Une domination coloniale sur le nord du pays (1912-1956)

Le protectorat espagnol au Maroc a duré de 1912 à 1956, et bien qu’il fût moins étendu que celui de la France, il a joué un rôle majeur dans l’histoire coloniale du pays. Ce protectorat a affecté profondément les régions du nord du Maroc, en particulier la zone de Tanger, la zone Rifaine, ainsi que les territoires du Sud, notamment l’Ifni et le Sahara occidental. Ce système de contrôle, qui coexista avec le protectorat français, fut marqué par des tensions, des résistances locales, des conflits internes, ainsi que par l’influence de l’Espagne dans l’évolution politique et économique de ces régions. Le protectorat espagnol se termina en même temps que l’indépendance du Maroc en 1956.

Le Contexte historique : La naissance du protectorat espagnol

À l’aube du XXe siècle, le Maroc était un pays divisé, régi par une monarchie en déclin sous la dynastie des Alaouites, et traversé par des conflits internes. Alors que les grandes puissances européennes cherchaient à étendre leur influence en Afrique du Nord, l’Espagne, qui possédait déjà des colonies en Afrique (notamment en Guinée équatoriale et dans les îles Canaries), aspira à une zone d’influence au Maroc.

En 1904, avec l’accord de la France dans le cadre de l’Entente Cordiale franco-britannique, l’Espagne obtint, lors du Traité de Madrid de 1906, la possibilité d’établir un protectorat dans le nord du Maroc. Cet accord stipulait que l’Espagne bénéficierait d’un contrôle sur les régions du Rif et du Nord, tout en reconnaissant la prééminence de la France sur le reste du pays. Cette division des zones d’influence fut ensuite ratifiée en 1912 avec la signature du Traité de Fès, lequel établit formellement les protectorat français et espagnol au Maroc.

Le protectorat espagnol fut effectivement établi sur des zones spécifiques du Maroc : principalement les régions du Rif et du Haut Atlas, mais aussi la ville stratégique de Tanger, qui fut placée sous un régime international, et la zone sud du pays, comprenant notamment l’Ifni et le Sahara Occidental.

Le Régime du Protectorat Espagnol : Organisation et Administration

Le protectorat espagnol se distingua par son approche plus directe du contrôle territorial, en particulier par la mise en place d’une administration espagnole dans les régions sous son contrôle. Contrairement au protectorat français, où le Sultan resta le chef nominal du pays, les autorités espagnoles imposèrent une administration plus centralisée et eurent un contrôle beaucoup plus autoritaire sur les affaires locales.

L’Espagne divisa son territoire sous contrôle en plusieurs zones distinctes, chacune ayant ses propres structures administratives, mais sous le contrôle direct de Madrid :

  • La zone du Rif : Dirigée par un résident général espagnol, cette région montagneuse du nord-est fut un terrain de résistance, avec une forte population berbère, qui avait une culture et une identité profondément ancrées dans l’histoire locale.
  • Tanger : Bien que cette ville ait été placée sous un régime international, elle fut fortement influencée par l’Espagne, qui maintenait une présence militaire et économique importante dans la ville.
  • Le Sud du Maroc : Les régions de l’Ifni et du Sahara Occidental étaient soumises à un contrôle plus direct de l’Espagne, et la domination sur ces zones fit l’objet de nombreux conflits avec les tribus locales et plus tard avec les mouvements indépendantistes.

Les autorités espagnoles tentèrent de moderniser certaines infrastructures locales, notamment les routes, le réseau ferroviaire et les ports, mais les réformes économiques et sociales furent largement orientées en faveur des colons espagnols et des entreprises. L’Espagne favorisa l’exploitation agricole, notamment l’arboriculture, l’agriculture de subsistance et l’extraction minière.

Les Révoltes et Résistances dans les Zones Sous Protectorat Espagnol

La résistance contre l’occupation espagnole se manifesta très tôt dans le Rif, une région montagneuse et difficile d’accès, où les tribus berbères ont toujours résisté à l’autorité centrale du Maroc. Abdelkrim El Khattabi, un leader charismatique, s’imposa comme une figure emblématique de la résistance contre le protectorat espagnol.

En 1921, Abdelkrim mena une révolte célèbre dans le Rif, la Révolte du Rif, contre les forces coloniales espagnoles. Il parvint à organiser une coalition de tribus et à infliger une défaite humiliante à l’armée espagnole à la bataille d’Annual. Cette victoire fut un tournant dans l’histoire du protectorat espagnol, car elle mit en évidence la vulnérabilité de l’Espagne face aux résistants marocains. La réaction espagnole fut violente et entraîna une guerre prolongée dans les montagnes du Rif, avec l’utilisation de gaz toxiques contre les combattants berbères, ce qui accentua les souffrances des populations locales.

La guerre du Rif se termina en 1927, lorsque Abdelkrim fut capturé par les Espagnols et exilé à La Réunion. Cependant, les tensions restèrent élevées dans la région, et de nouvelles révoltes éclatèrent tout au long de la période du protectorat.

L’Influence Espagnole sur Tanger et le Sud du Maroc

En plus de ses possessions sur le continent, l’Espagne exerça une forte influence économique et diplomatique à Tanger, une ville internationale où plusieurs nations étaient représentées. Les Espagnols y maintinrent une importante présence diplomatique, militaire et commerciale.

Dans le Sud, l’occupation espagnole dans le Sahara Occidental et l’Ifni fit l’objet de luttes prolongées. Les mouvements indépendantistes sahraouis se développèrent progressivement et eurent un impact sur la politique de décolonisation dans la région. L’Espagne garda sa domination sur l’Ifni jusqu’en 1969 et sur le Sahara occidental jusqu’en 1975, date à laquelle elle se retira sous la pression du Maroc et de la Mauritanie, qui revendiquaient la souveraineté sur ces territoires.

Le Maroc et le Nationalisme

La domination espagnole, bien qu’ayant une influence moins importante que celle de la France, contribua à la montée du nationalisme marocain. Les deux protectorat, espagnol et français, renforcèrent les mouvements indépendantistes, et le Maroc commença à réclamer son indépendance.

Le Parti de l’Istiqlal, fondé en 1944, devint un acteur central dans la lutte pour l’indépendance. Les révoltes populaires et les pressions diplomatiques ont poussé l’Espagne à entamer des négociations avec les dirigeants marocains. En 1956, le Maroc obtint son indépendance après un accord avec la France et l’Espagne, mettant fin à plus de 40 ans de domination coloniale.

Le Légat du Protectorat Espagnol

Le protectorat espagnol au Maroc laissa un héritage complexe. Si l’Espagne contribua à la modernisation de certaines infrastructures et développa les secteurs économiques, elle fut aussi responsable d’une forte répression contre les populations locales et des tensions politiques qui alimentèrent des résistances et des luttes pour l’indépendance.

Après l’indépendance du Maroc, les régions sous contrôle espagnol, telles que le Rif, Tanger, l’Ifni, et le Sahara Occidental, ont continué à jouer un rôle clé dans les dynamiques politiques et géopolitiques du pays. Le Maroc a dû gérer ces héritages coloniaux dans sa quête de souveraineté complète.

Retour en haut