Algérie : Maintien de la Stabilité par la Répression et Utilisation de l’Armée Comme Pilier du Pouvoir

Depuis son arrivée à la tête de l’Algérie en 2019, le président Abdelmadjid Tebboune a accéléré le processus de militarisation du pays, en consacrant des ressources considérables à l’acquisition de nouveaux équipements militaires. L’Algérie est ainsi devenue l’un des plus grands importateurs d’armements au monde, en particulier en Afrique. Cette politique, selon l’analyse du chroniqueur et chercheur Pierre Boussel, s’inscrit dans un double objectif : renforcer la position géopolitique du pays tout en cherchant à maintenir l’ordre interne et la stabilité politique. Toutefois, ce choix stratégique soulève des interrogations, notamment en ce qui concerne la gestion des défis économiques internes que le pays doit affronter, et l’équilibre entre sécurité militaire et bien-être économique de la population.

Une Accélération de la Militarisation : Une Priorité Stratégique

Sous le mandat de Tebboune, l’Algérie a fait de la militarisation une priorité nationale. Les dépenses en matière de défense ont considérablement augmenté, et pour 2025, le budget de la défense est estimé à 25 milliards de dollars, plaçant le pays parmi les plus grands importateurs d’armements au monde. Une part importante de ces dépenses est consacrée à l’acquisition de technologies militaires de pointe, notamment des radars et des systèmes de défense aérienne. L’objectif est de moderniser l’armée algérienne et de lui permettre de répondre aux défis géopolitiques régionaux, notamment en raison des tensions persistantes avec le Maroc, et aussi pour dissuader toute remise en question du pouvoir en place.

Cette course aux armements semble justifiée par le besoin de sécuriser les frontières, mais elle sert également de vecteur pour afficher une puissance régionale et renforcer l’influence géopolitique de l’Algérie. Cependant, cette stratégie militaire se fait au détriment des impératifs économiques et sociaux internes, et la priorité donnée à la défense semble accentuer la rupture entre les besoins fondamentaux de la population et les priorités du régime.

Une Course aux Armements pour Détourner les Regards des Faiblesses Internes

L’Algérie fait face à de nombreux défis économiques. Le pays est confronté à un taux de chômage élevé, en particulier chez les jeunes, à une économie qui reste largement dépendante des exportations d’hydrocarbures, et à une pauvreté persistante dans certaines régions du pays. Ces problèmes économiques sont exacerbés par l’inefficacité des politiques de diversification économique et par un manque de réformes structurelles dans des secteurs clés tels que l’éducation, la santé et les infrastructures.

Malgré ces défis majeurs, le gouvernement algérien préfère investir des sommes colossales dans l’achat de nouveaux équipements militaires plutôt que de répondre aux besoins sociaux et économiques urgents. Cette politique est alimentée en partie par une volonté de répondre à des menaces extérieures, principalement en provenance du Maroc, mais elle reflète aussi une stratégie interne pour maintenir l’ordre et la stabilité du régime. En mettant l’accent sur la défense, le gouvernement cherche à détourner l’attention des difficultés économiques et sociales, tout en envoyant un message de fermeté et de contrôle à la population.

Cette stratégie de militarisation semble être un moyen de renforcer l’image du régime et de sa capacité à maintenir l’ordre. Cependant, elle laisse les questions économiques en suspens, aggravant ainsi le fossé entre les aspirations populaires et les priorités du pouvoir. Pierre Boussel souligne que cette dynamique risque de créer un déséquilibre profond, avec des conséquences potentiellement dangereuses à long terme pour la stabilité du pays.

Une Armée Comme Pilier du Pouvoir : Maintien de la Stabilité par la Répression

Le pouvoir algérien, selon l’analyse de Pierre Boussel, semble avoir compris que sa survie dépend de la projection d’une force militaire qui rappelle la solidité de son autorité. L’armée, dans ce contexte, est perçue non seulement comme un outil de défense, mais aussi comme un garant de la stabilité politique interne. Ce rôle de l’armée a été particulièrement manifeste lors du mouvement de contestation populaire Hirak, qui a secoué l’Algérie entre 2019 et 2020. Ce soulèvement populaire a révélé une profonde fracture entre le gouvernement et la population, en particulier la jeunesse, qui réclame des réformes économiques et politiques.

Pour contrer ces revendications populaires, le régime utilise l’armée comme un instrument de répression, dissuadant toute remise en question de son autorité. Cette militarisation excessive sert donc non seulement à défendre les frontières du pays, mais aussi à maintenir un climat de sécurité intérieure en réponse aux protestations et aux revendications sociales. La montée en puissance de l’armée en tant que pilier du pouvoir est une réponse directe aux troubles sociaux et politiques, mais elle vient aussi en réponse à l’incapacité du gouvernement à satisfaire les demandes de la population.

Des Priorités Mal Orientées : Le Détournement des Ressources

L’un des principaux reproches formulés par Pierre Boussel à l’égard de la politique algérienne est le manque de priorisation des enjeux internes essentiels, notamment l’emploi, l’accès à une énergie fiable, et la fourniture de services de base tels que l’eau potable. Alors que ces besoins fondamentaux restent largement insatisfaits, le gouvernement continue d’investir massivement dans des projets de défense qui ne répondent pas directement aux attentes de la population. En concentrant ses ressources sur l’acquisition d’armements sophistiqués, l’Algérie néglige ses priorités économiques, et le pays se trouve dans une situation de stagnation économique qui renforce les frustrations populaires.

Ce déséquilibre entre les besoins sociaux et les priorités militaires soulève des inquiétudes concernant la viabilité à long terme du modèle économique et politique actuel. Une telle approche risque de conduire le pays dans une impasse, où la militarisation et la répression deviennent les seules réponses aux demandes de changement et d’amélioration des conditions de vie.

Vers une Impasse : Un Modèle Autodestructeur ?

Actuellement, l’Algérie semble prise dans un cercle vicieux où la militarisation excessive détourne les ressources des secteurs essentiels et ne répond pas aux besoins sociaux urgents. La logique de militarisation se révèle être une stratégie autodestructrice qui pourrait empêcher le pays de sortir de la crise économique et de construire un modèle de développement durable. Pierre Boussel avertit que si l’Algérie continue sur cette voie, elle risque de voir ses problèmes internes s’aggraver, et le régime pourrait se retrouver de plus en plus isolé de sa propre population.

Le pays devra tôt ou tard faire face à la nécessité de réorienter ses priorités. Si l’Algérie ne parvient pas à trouver un équilibre entre ses ambitions militaires et les impératifs économiques et sociaux, elle pourrait se retrouver dans une situation où ses choix de politique intérieure et extérieure deviennent insoutenables à long terme. Le véritable défi pour l’Algérie réside dans sa capacité à concilier son désir de puissance militaire avec les aspirations économiques et sociales de ses citoyens, dans un contexte où les ressources sont limitées et les attentes populaires de plus en plus élevées.

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