
Dans un monde en perpétuel bouleversement économique, marqué par l’inflation globale, les tensions géopolitiques, la volatilité des marchés énergétiques et la montée des taux d’intérêt, les devises des pays émergents sont souvent soumises à une pression intense. Le dirham marocain n’échappe pas à cette règle.
Alors que certaines monnaies africaines ou asiatiques ont connu des dépréciations notables ces derniers mois, le dirham a montré une relative stabilité, mais non sans défis. Doit-on s’inquiéter pour l’avenir de la monnaie nationale ? Quels sont les facteurs qui influencent sa valeur ? Analyse.
📉 Le dirham : une monnaie sous régime de change flexible
Depuis 2018, le Maroc a entamé un processus progressif de flexibilisation du dirham. Ce régime de change n’est pas totalement libre, mais repose sur une fluctuation contrôlée dans une bande de ±5 % autour d’un taux central fixé par Bank Al-Maghrib, basé sur un panier composé principalement de l’euro et du dollar.
Ce choix permet d’amortir les chocs externes tout en gardant un certain niveau de prévisibilité pour les opérateurs économiques.
🎙️ Bank Al-Maghrib rassure régulièrement que le dirham est « fondamentalement bien ancré » et que les réserves de change restent confortables.
🌍 Les principaux facteurs de pression sur le dirham
1. Tensions géopolitiques et envolée des matières premières
La guerre en Ukraine, les tensions au Moyen-Orient ou encore la hausse des prix du pétrole ont un impact indirect sur le dirham, via la facture énergétique du pays. Plus les importations coûtent cher, plus la demande en devises étrangères augmente, ce qui peut peser sur la valeur du dirham.
2. Montée des taux d’intérêt à l’international
L’augmentation des taux directeurs par la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale américaine (Fed) rend les placements en devises plus attractifs. Cela peut conduire à des sorties de capitaux du Maroc et exercer une pression à la baisse sur le dirham.
3. Balance commerciale déficitaire
Bien que les exportations marocaines (automobile, phosphates, textile…) progressent, la balance commerciale reste déficitaire, notamment à cause des importations d’énergie et de biens d’équipement. Ce déficit chronique pèse sur la demande en devises.
📈 Les facteurs de stabilité du dirham
Malgré ces pressions, plusieurs éléments viennent soutenir le dirham :
- Les envois de la diaspora (MRE) : Les transferts des Marocains résidant à l’étranger dépassent les 100 milliards de dirhams par an, représentant une source stable de devises.
- Les investissements étrangers et les IDE : Le Maroc attire des flux importants, notamment dans les secteurs automobile, énergies renouvelables, et tourisme.
- Les réserves de change : Bank Al-Maghrib dispose de plus de 6 mois de couverture des importations, ce qui permet de contenir toute spéculation excessive.
- La politique monétaire prudente : La Banque centrale ajuste avec soin ses interventions pour maintenir la confiance dans la monnaie nationale.
📊 Le dirham en chiffres (2024-2025)
- Taux de change moyen (2025) :
- 1 EUR ≈ 10,80 MAD
- 1 USD ≈ 10,00 MAD (avec des variations selon les périodes)
- Dépréciation annuelle face au dollar : légère, autour de -1,5 %
- Taux d’inflation interne (2025) : maîtrisé autour de 2,3 %, bien en dessous de la moyenne africaine
⚠️ Faut-il s’inquiéter ?
À court terme, non, le dirham reste globalement stable, et Bank Al-Maghrib a la capacité d’intervenir pour éviter une dépréciation brutale. Le Maroc dispose de fondamentaux solides : une dette extérieure soutenable, des réserves confortables, et une diversification économique croissante.
Mais à moyen et long terme, la situation exige de la vigilance :
- Une détérioration prolongée des comptes extérieurs ou des chocs externes majeurs (hausse brutale du pétrole, baisse des transferts des MRE, crise touristique…) pourraient mettre le dirham sous tension.
- Le projet d’élargissement futur de la bande de fluctuation, voire de passage à un régime de change plus libre, devra être soigneusement préparé pour éviter toute panique sur les marchés.
✅ Conclusion : Une stabilité conditionnelle
Le dirham marocain fait preuve de résilience face aux turbulences économiques mondiales, mais cette stabilité reste conditionnée à la bonne santé macroéconomique du pays. L’équilibre entre ouverture économique, flexibilité monétaire et discipline budgétaire devra être maintenu avec rigueur.
La diversification des sources de devises (tourisme, MRE, exportations à valeur ajoutée) est plus que jamais essentielle pour renforcer la souveraineté monétaire du Royaume.