
Maroc – Juin 2025
Sur TikTok, la scène est devenue presque banale : un direct très suivi, des milliers de spectateurs en ligne, et au centre de l’écran, un « fkih » marocain en tenue traditionnelle, prêt à orchestrer… un mariage. À ses côtés, un homme et une femme qui ne se sont jamais rencontrés auparavant. Leur échange, souvent maladroit et timide, se déroule en public, en direct sur le réseau social, sous le regard amusé — ou critique — des internautes.
Bienvenue dans l’univers déroutant des « mariages arrangés en live », une tendance numérique émergente au Maroc, où tradition et modernité se heurtent en plein écran.
📱 Un phénomène viral, entre matchmaking et mise en scène
À l’origine de cette initiative, un créateur de contenu qui se présente comme un « fkih » — terme religieux désignant un savant ou un homme pieux — mais qui, ici, tient davantage le rôle de marieur numérique que de guide spirituel. À travers ses vidéos en direct, il met en relation des hommes et des femmes à la recherche d’un partenaire, dans l’optique d’un mariage « halal », selon ses propres termes.
Les candidats, souvent issus de milieux modestes ou ruraux, exposent leur situation et leurs attentes. L’animateur, quant à lui, oriente les échanges, pose des questions, glisse quelques versets ou invocations, et parfois même… donne sa bénédiction.
🧕 Un concept qui divise
Si certains y voient une alternative moderne aux méthodes traditionnelles de rencontre, d’autres dénoncent une spectacularisation malsaine du mariage, parfois teintée de voyeurisme. Pour plusieurs observateurs, cette mise en scène publique d’un acte aussi intime que la recherche d’un conjoint frôle les limites de l’éthique et du respect de la dignité des personnes.
Des sociologues soulignent également le risque de marchandisation du mariage, surtout dans un contexte où l’accès aux relations amoureuses reste encadré voire tabou, notamment dans les milieux conservateurs.
⚖️ Un vide juridique et des questions de société
Sur le plan légal, rien dans la loi marocaine n’interdit formellement ce type de pratique… tant que l’acte de mariage, s’il a lieu, est ensuite formalisé selon les normes du code de la famille (Moudawana). Mais en ligne, tout se brouille : certains lives laissent entendre que des « fatiha » sont récitées comme des promesses d’union, ce qui peut prêter à confusion, voire à des dérives religieuses ou juridiques.
🎙️ Une image en mutation de la rencontre
Ce phénomène révèle surtout une mutation profonde des formes de socialisation au Maroc. Dans un monde ultra-connecté, la technologie s’infiltre dans les sphères les plus intimes, redéfinissant les frontières entre vie privée et spectacle public. Le mariage, autrefois strictement familial et communautaire, devient un sujet de live, de likes, et parfois… de buzz.
📌 Faut-il y voir un outil d’inclusion pour des personnes isolées socialement ? Ou une dérive numérique d’un rituel profondément sacré ? Le débat reste ouvert.
🇲🇦 Une chose est sûre : au Maroc, même l’amour ne peut plus échapper à l’ère du numérique.