
Lancée en grande pompe il y a plus d’une décennie, la régionalisation avancée est l’une des réformes les plus ambitieuses de l’histoire institutionnelle du Maroc. Elle vise à transférer de réels pouvoirs aux régions pour renforcer la démocratie locale, réduire les inégalités territoriales et stimuler le développement.
Mais en 2025, où en est vraiment ce chantier ? Entre avancées notables, lenteurs structurelles et espoirs renouvelés, le point sur cette réforme stratégique pour l’avenir du Royaume.
📜 Une réforme pensée comme un tournant
Tout commence en 2011, avec la nouvelle Constitution marocaine qui consacre la régionalisation comme un pilier de la gouvernance. En 2015, une nouvelle carte territoriale est adoptée, réduisant le nombre de régions de 16 à 12, pour une gestion plus cohérente et stratégique des territoires.
La réforme repose sur un principe fort : le transfert progressif de compétences de l’État central vers les conseils régionaux élus. En clair, il s’agit de donner aux régions les moyens de gérer des secteurs clés : développement économique, aménagement du territoire, environnement, culture, formation professionnelle, etc.
✅ Les avancées depuis 2015
Au cours de la dernière décennie, plusieurs évolutions positives ont été enregistrées :
1. Structuration des conseils régionaux
Les 12 régions disposent désormais de conseils élus, de budgets propres, et de plans de développement régionaux (PDR). Des investissements ont été lancés dans l’éducation, la santé, les routes, les zones industrielles…
2. Augmentation des budgets régionaux
Grâce à la Loi de finances, la part de l’État destinée aux régions a sensiblement augmenté. Des mécanismes de péréquation financière ont aussi été mis en place pour aider les régions les plus pauvres.
3. Début du transfert de compétences
Certains domaines comme la culture, l’artisanat ou la formation professionnelle font l’objet de conventions de transfert entre ministères et régions. Le processus reste toutefois lent et inégal d’une région à l’autre.
⚠️ Des obstacles qui freinent l’élan
Malgré ces avancées, plusieurs freins structurels continuent de ralentir le plein déploiement de la régionalisation :
1. Manque de clarté dans le transfert de compétences
De nombreux conseils régionaux se plaignent de l’absence de décrets d’application clairs encadrant les compétences transférées. Résultat : les régions manquent de lisibilité sur leur champ d’action réel.
2. Insuffisance des ressources humaines qualifiées
Le déficit en cadres administratifs formés à la gestion régionale est criant. La réforme demande un nouveau profil de gestionnaires territoriaux, souvent absent des administrations locales.
3. Inégalités entre les régions
Les disparités régionales demeurent fortes : certaines régions, comme Casablanca-Settat ou Rabat-Salé-Kénitra, avancent rapidement, tandis que d’autres, comme Drâa-Tafilalet ou l’Oriental, peinent à décoller faute de moyens suffisants.
4. Centralisme persistant
Malgré les discours, la culture du centralisme administratif reste forte. De nombreuses décisions stratégiques continuent de dépendre de Rabat, freinant l’autonomie réelle des régions.
🧭 Et maintenant ? Vers une deuxième phase
Le gouvernement a promis en 2024 le lancement d’une « deuxième phase de la régionalisation avancée », avec plusieurs priorités :
- Accélérer le transfert effectif des compétences.
- Revoir le cadre juridique pour plus de clarté et d’efficacité.
- Renforcer la formation des élus et des fonctionnaires locaux.
- Instaurer un suivi national de l’exécution des PDR.
- Accroître la participation citoyenne dans les décisions régionales.
Des discussions sont en cours pour intégrer l’intelligence territoriale dans la gouvernance régionale : analyse de données, planification participative, suivi numérique des projets…
📝 Conclusion : une réforme encore inachevée
La régionalisation avancée est un projet de longue haleine, qui va bien au-delà de la décentralisation administrative. Elle suppose une refonte en profondeur des relations entre l’État, les territoires et les citoyens.
En 2025, le Maroc a franchi plusieurs étapes importantes, mais le chemin vers des régions pleinement autonomes, efficaces et équitables est encore long.
La réussite de cette réforme dépendra de la volonté politique, de l’investissement dans les capacités locales, et surtout d’un véritable changement de culture administrative.
💬 Et vous, sentez-vous l’impact de la régionalisation dans votre région ? Le pouvoir local répond-il mieux à vos besoins qu’avant ?