
Une vive polĂ©mique secoue actuellement le monde artistique en Ăgypte, aprĂšs les dĂ©clarations du prĂ©sident du Syndicat des professions artistiques, qui a exprimĂ© son inquiĂ©tude croissante face Ă lâirruption massive des influenceurs et crĂ©ateurs de contenu dans les productions tĂ©lĂ©visĂ©es, cinĂ©matographiques et théùtrales. Selon lui, cette tendance menace lâintĂ©gritĂ© et la crĂ©dibilitĂ© dâun art Ă©gyptien historiquement prestigieux, hĂ©ritĂ© dâicĂŽnes comme Oum Kalthoum, Abdel Halim Hafez, Faten Hamama ou encore Adil Imam.
Un dĂ©bat houleux qui dĂ©passe aujourdâhui les frontiĂšres Ă©gyptiennes et rĂ©sonne fortement au Maroc, oĂč la scĂšne artistique nationale observe une Ă©volution similaire, non sans inquiĂ©tude.
đ± Quand la notoriĂ©tĂ© numĂ©rique Ă©clipse la compĂ©tence artistique
Au cĆur de la controverse : lâessor des influenceurs dans les productions artistiques, souvent engagĂ©s non pour leur talent ou leur formation, mais pour leur visibilitĂ© numĂ©rique. Suivis par des centaines de milliers, voire des millions dâinternautes, ces profils attirent des producteurs en quĂȘte dâaudience facile et de viralitĂ©.
Or, comme lâa soulignĂ© le syndicat Ă©gyptien, cette logique conduit Ă une forme de dĂ©naturation de lâart, en privilĂ©giant la cĂ©lĂ©britĂ© Ă lâexcellence, et la performance mĂ©diatique Ă la rigueur artistique. « Lâart obĂ©it Ă des rĂšgles et des critĂšres prĂ©cis, qui doivent ĂȘtre respectĂ©s pour prĂ©server son identitĂ© », a-t-il martelĂ©.
đŹ Au Maroc, une inquiĂ©tude partagĂ©e
Cette rĂ©flexion trouve un Ă©cho grandissant dans les milieux artistiques marocains. De plus en plus de rĂ©alisateurs, comĂ©diens, scĂ©naristes ou musiciens dĂ©noncent lâarrivĂ©e en force dâinfluenceurs dans des rĂŽles principaux, des Ă©missions culturelles, voire des festivals artistiques, sans formation prĂ©alable ni expĂ©rience significative.
Pour ces professionnels, il sâagit dâun nivellement par le bas, qui met Ă mal des annĂ©es de formation, de discipline et de pratique, au profit dâune visibilitĂ© Ă©phĂ©mĂšre. « Lâart est un mĂ©tier, pas un algorithme », rĂ©sume un comĂ©dien rabati qui a prĂ©fĂ©rĂ© garder lâanonymat.
đ Une responsabilitĂ© partagĂ©e avec les producteurs
Plusieurs critiques pointent Ă©galement du doigt certaines sociĂ©tĂ©s de production, accusĂ©es dâengager ces profils Ă des fins purement commerciales. Le marketing digital prend le pas sur la qualitĂ© artistique, transformant les Ćuvres culturelles en simples produits Ă monĂ©tiser via les rĂ©seaux sociaux.
Cette tendance sâobserve notamment dans le domaine des sĂ©ries diffusĂ©es sur les plateformes, oĂč la prĂ©sence dâinfluenceurs est parfois prĂ©sentĂ©e comme un « argument de vente », au dĂ©triment de la cohĂ©rence narrative ou de la performance artistique.
đĄïž Un appel aux syndicats et aux instances culturelles
Face Ă cette situation, de nombreux artistes marocains appellent aujourdâhui les syndicats du secteur culturel Ă se positionner fermement. Ils rĂ©clament lâinstauration de rĂšgles claires sur les conditions dâaccĂšs aux productions artistiques, ainsi que des critĂšres professionnels obligatoires, afin de protĂ©ger le public contre ce quâils qualifient de « leurre visuel ».
Pour eux, il ne sâagit pas dâexclure les crĂ©ateurs de contenu du paysage culturel, mais de garantir que le talent, lâeffort et la formation restent les piliers de toute carriĂšre artistique.
đïž Un dĂ©bat de fond, entre modernitĂ© et respect des fondamentaux
Le phĂ©nomĂšne soulĂšve une question centrale : comment conjuguer la dĂ©mocratisation de la visibilitĂ© artistique avec le respect des codes et de lâhĂ©ritage culturel ? Dans un monde oĂč les frontiĂšres entre amateur et professionnel deviennent floues, la rĂ©ponse devra ĂȘtre collective, Ă©quilibrĂ©e et fondĂ©e sur le respect de la crĂ©ation artistique comme discipline exigeante.
đ Conclusion : repenser lâavenir de lâart Ă lâĂšre numĂ©rique
La polĂ©mique Ă©gyptienne agit comme un rĂ©vĂ©lateur dâun malaise rĂ©gional, qui concerne aussi bien le Maroc que d’autres pays arabes. Si lâinfluence numĂ©rique peut reprĂ©senter une opportunitĂ©, elle ne doit pas se substituer aux critĂšres fondamentaux de lâexpression artistique.
Entre passion, exigence et professionnalisme, lâart mĂ©rite mieux que des logiques de buzz Ă©phĂ©mĂšre. Le dĂ©bat est lancĂ©. Reste Ă savoir si les instances concernĂ©es y rĂ©pondront avec la rigueur et la clairvoyance nĂ©cessaires.



