
Autrefois marginalisée, la culture urbaine connaît aujourd’hui un véritable essor au Maroc. Street art, rap, danse hip-hop, skate, mode urbaine… Ces formes d’expression populaires gagnent du terrain dans les grandes villes du Royaume, séduisant une jeunesse en quête d’identité, de liberté et de créativité. Décryptage d’un mouvement en pleine explosion, à la croisée de l’art, de la revendication et du renouveau social.
🎨 Le street art : des murs qui parlent
Depuis une quinzaine d’années, le street art marocain s’affirme dans l’espace public. Casablanca, Rabat, Marrakech ou Tanger voient leurs murs se transformer en toiles à ciel ouvert. Les graffeurs marocains s’inspirent de leur quotidien, des traditions locales, mais aussi de causes universelles comme l’écologie, les droits humains ou la solidarité.
Parmi les figures phares, on peut citer :
- Said Sabbah (a.k.a. Machima) : connu pour ses fresques mêlant culture amazighe et messages sociaux.
- Jil Joe : figure du graffiti à Casablanca, qui allie calligraphie arabe et design urbain.
- Collectif Placebo Studio : à l’origine de nombreux projets muraux entre art, mémoire et citoyenneté.
🎯 Des festivals comme Jidar (Rabat) ou Sbagha Bagha (Casablanca) participent activement à la reconnaissance de cette discipline et offrent aux artistes une visibilité nationale et internationale.
🎧 Le rap marocain : un miroir de la société
L’autre pilier de la culture urbaine marocaine, c’est le rap, devenu en quelques années la bande-son de toute une génération. Loin des clichés, le rap marocain est multiple : festif, introspectif, ou radicalement engagé.
Des artistes comme :
- ElGrandeToto, figure emblématique du “trap” à la marocaine,
- 7liwa, aux textes bruts et rythmés,
- Weld L’Griya, voix des oubliés, originaire de Fès,
- Mobydick (L’Moutchou), qui allie conscience sociale et poésie,
- Khtek, rappeuse féministe engagée,
… abordent des thèmes variés : chômage, inégalités, liberté d’expression, vie quotidienne, rêves de jeunesse, pression sociale.
🎤 Ce rap franc, parfois polémique, trouve écho sur les plateformes numériques, où clips et freestyles cumulent des millions de vues. Il séduit un public jeune, urbain, connecté — souvent en quête de modèles qui leur ressemblent.
💃 Une culture vivante et multidisciplinaire
La culture urbaine au Maroc ne se limite pas à la musique ou à la peinture. Elle comprend aussi :
- Le breakdance et le hip-hop : avec des crews actifs à Agadir, Casablanca ou Rabat, et des compétitions nationales comme le Moroccan Hip Hop Championship.
- La mode urbaine marocaine : entre tenues streetwear, accessoires inspirés du patrimoine (babouches revisitées, djellabas modernes), et marques locales émergentes.
- Le skateboard et les sports urbains : avec une montée en puissance des skateparks (notamment à Tétouan et Casablanca) et d’événements autour de la glisse.
💡 Ce mouvement reflète la volonté d’une jeunesse créative, affranchie des normes classiques, qui réinvente les codes culturels tout en restant connectée à ses racines.
🌍 Une ouverture sur le monde, mais une identité locale forte
Ce dynamisme urbain s’inscrit dans une double logique :
- D’ouverture globale : influencée par les tendances venues des États-Unis, de France ou du Moyen-Orient.
- D’ancrage local : les artistes marocains adaptent ces codes à leur propre réalité, en darija, en amazigh, ou en arabe classique.
Résultat : un style unique, hybride, qui fait du Maroc un laboratoire culturel foisonnant dans le monde arabe et africain.
🧱 Des défis persistants
Malgré son essor, la culture urbaine au Maroc fait encore face à plusieurs obstacles :
- Manque d’infrastructures dédiées (studios, galeries, lieux de diffusion),
- Précarité économique des artistes,
- Censure ou incompréhension de certaines formes d’expression,
- Faible reconnaissance institutionnelle, même si des progrès sont visibles.
🎙 Toutefois, des initiatives privées, associatives et citoyennes permettent de structurer progressivement ce secteur.
🗣 En conclusion
La culture urbaine au Maroc n’est plus une sous-culture. Elle est devenue un langage à part entière, une façon pour la jeunesse de s’exprimer, de contester, de créer du lien et d’inventer un avenir à son image. Du graffiti engagé aux punchlines percutantes, le Maroc bouillonne de talents qui redéfinissent l’espace public et les codes artistiques.
Et vous, avez-vous déjà tendu l’oreille à un freestyle de rue ou admiré une fresque sur les murs de votre quartier ?
🖋️ Par Brahim Tamimi
Blog d’actualités marocaines – juillet 2025