
Le constat est implacable : lâaffluence estivale des Marocains rĂ©sidant Ă lâĂ©tranger (MRE), habituellement si visible dans les rues, les plages et les routes du Royaume durant la haute saison, est en net recul cet Ă©tĂ©. Ă Rabat, Casablanca, FĂšs ou encore Nador, les voitures immatriculĂ©es Ă lâĂ©tranger se font rares, signe dâun malaise profond dans la relation entre la diaspora et le pays dâorigine.
âïž Des prix prohibitifs qui dissuadent
En ligne de mire : les prix excessifs du transport. Rachid, installé en région parisienne, témoigne :
« En juin, pour quatre billets aller-retour depuis Paris, on nous demandait plus de 2.500 euros. Ajoutez Ă cela la location de voiture et un appartement, câest devenu un luxe de rentrer au pays. »
MĂȘme discours du cĂŽtĂ© de Karima, rĂ©sidant en Belgique, qui a prĂ©fĂ©rĂ© cette annĂ©e partir⊠dans le sud de lâEspagne :
« Là -bas, on ne se sent pas pris pour des touristes à arnaquer à chaque coin de rue. »
Et ce sentiment semble largement partagé. Coût du transport, logements, location de voitures, restaurants, services : tout semble aligné pour freiner le retour des MRE dans leur pays natal.
đŹ Un cri dâalarme des associations de consommateurs
Bouazza Kherrati, prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration Marocaine des Droits du Consommateur (FMDC), tire la sonnette dâalarme :
« Jâai Ă©tĂ© contactĂ© par plusieurs MRE qui ont renoncĂ© Ă venir. On est fin juillet, et les voitures Ă©trangĂšres sont quasi absentes. Les billets dâavion ou de bateau Ă eux seuls coĂ»tent souvent plus de 20.000 dirhams pour une famille. »
Et une fois sur place, les prix sâenvolent davantage. Location de voiture Ă 1.000 dirhams la journĂ©e, appartements Ă des tarifs exorbitants, tarifs touristiques appliquĂ©s de maniĂšre arbitraireâŠ
« Les MRE paient plus, et subissent plus dâarnaques. Ils en ont assez. », dĂ©plore Kherrati.
đïž Un dĂ©sintĂ©rĂȘt qui touche aussi les Marocains locaux
Le malaise ne se limite pas Ă la diaspora. De nombreux Marocains vivant au pays boudent eux aussi les destinations touristiques nationales au profit de lâEspagne, du Portugal ou de la Turquie.
« LĂ -bas, ils trouvent des prix Ă©quivalents voire infĂ©rieurs Ă ceux du Maroc, avec un meilleur service, plus dâinfrastructures pour les enfants, moins de stress et plus de respect », explique le prĂ©sident de la FMDC.
đ Une crise structurelle, pas conjoncturelle
Pour Kherrati, cette flambĂ©e des prix nâest pas un phĂ©nomĂšne passager, mais bien le symptĂŽme dâun dysfonctionnement profond :
« Câest devenu une mentalitĂ©. DĂšs quâun fournisseur peut vendre plus cher, il le fait. Et ce, sans crainte, car le contrĂŽle des marchĂ©s a disparu. »
Il rappelle quâavant 2010, deux instances rĂ©gulaient les prix et la fraude au niveau du ministĂšre du Commerce intĂ©rieur et de lâAgriculture.
« Ces structures ont disparu. Aujourdâhui, personne ne contrĂŽle. La fraude est devenue la norme. »
Ă cela sâajoute une « inflation cachĂ©e », oĂč les produits sont rĂ©duits en quantitĂ© ou en qualitĂ©, sans que le prix ne baisse, crĂ©ant un sentiment de tromperie gĂ©nĂ©ralisĂ©e chez les consommateurs.
đš Une alerte sĂ©rieuse pour le tourisme marocain
Lâabsence des MRE cet Ă©tĂ© nâest pas seulement symbolique, elle est Ă©conomiquement prĂ©occupante. Les MRE figurent parmi les premiĂšres sources de devises du pays. Leur dĂ©saffection pourrait marquer un tournant durable dans les habitudes touristiques, avec des consĂ©quences Ă long terme sur lâensemble de lâĂ©cosystĂšme touristique.
« Le Maroc se vide de ses vacanciers traditionnels. Si rien nâest fait, ce nâest pas juste un Ă©tĂ© quâon perd, câest la confiance de toute une communautĂ© », conclut Kherrati.
đ En rĂ©sumĂ© :
- Les prix élevés du transport et des services dissuadent les MRE de venir au Maroc.
- Les Marocains locaux aussi se tournent vers lâĂ©tranger pour des vacances plus Ă©conomiques et de meilleure qualitĂ©.
- Lâabsence de rĂ©gulation et de contrĂŽle favorise une logique spĂ©culative nuisible.
- La dĂ©saffection des MRE est un signal dâalarme pour le secteur touristique national.
đŁïž Ă mĂ©diter : Le patriotisme ne doit pas ĂȘtre un ticket d’entrĂ©e Ă tarif majorĂ©.
Le Maroc doit-il revoir sa politique dâaccueil envers ses enfants de la diaspora ? Le dĂ©bat est ouvert.



