Prix Médicis : “Que notre joie demeure” de l’écrivain Kevin Lambert

Le roman Que notre joie demeure, de l’écrivain canadien Kevin Lambert, fait partie des six finalistes du prix Médicis du roman francophone 2023, qui sera décerné le 9 novembre. Ce livre raconte l’histoire de deux jeunes hommes qui se révoltent contre la société capitaliste et patriarcale en incendiant des usines et en vivant une passion amoureuse. Parmi les personnages, il y a aussi un homme d’origine haïtienne, qui a fui son pays après le séisme de 2010.

Ce roman a suscité une polémique après que Kevin Lambert a révélé qu’il avait fait appel à une relectrice canado-haïtienne pour vérifier la crédibilité de ce personnage. Certains ont accusé l’auteur de faire du “blackface littéraire”, c’est-à-dire de s’approprier la voix et l’expérience d’une personne noire sans en avoir le vécu ni la légitimité. D’autres ont défendu le droit de l’écrivain à créer des personnages différents de lui-même, en se documentant et en se faisant aider par des personnes compétentes.

Kevin Lambert a répondu à ses détracteurs en affirmant qu’il ne cherchait pas à représenter la réalité haïtienne, mais à créer un personnage fictif qui lui permettait d’aborder des thèmes universels comme l’exil, la violence et l’amour. Il a aussi souligné qu’il avait consulté plusieurs sources, dont des romans haïtiens, pour s’inspirer et se renseigner. Il a remercié la relectrice qui l’a aidé, en disant qu’elle avait été “d’une grande générosité et d’une grande intelligence”.

Le prix Médicis est un prix littéraire français qui récompense chaque année un roman, un essai et un roman étranger. Il est décerné par un jury composé d’écrivains et de personnalités du monde culturel. Parmi les autres finalistes du prix Médicis du roman francophone 2023, il y a notamment David Diop, avec Frère d’âme, qui a déjà remporté le prix Goncourt, et Alice Zeniter, avec Comme un empire dans un empire. Le lauréat succédera à Chloé Delaume, qui avait reçu le prix Médicis en 2022 pour Le Cœur synthétique.

Le blackface littéraire

Le blackface littéraire est une expression qui désigne le fait pour un écrivain blanc de s’approprier la voix et l’expérience d’un personnage noir, sans en avoir le vécu ni la légitimité. Ce terme fait référence au blackface, une pratique théâtrale consistant à se grimer le visage en noir pour caricaturer les personnes noires.

Le blackface littéraire est souvent perçu comme une forme de racisme, car il réduit les personnes noires à des stéréotypes et leur dénie le droit de raconter leur propre histoire. Il peut aussi être considéré comme une forme d’opportunisme, car il permet à des écrivains blancs de profiter du succès commercial et critique des récits sur les minorités.

Le blackface littéraire a été dénoncé par plusieurs auteurs et critiques, notamment aux Etats-Unis, où le débat sur la représentation des personnes noires dans la littérature est très vif. Par exemple, en 2020, un projet de l’éditeur Barnes & Noble de publier des classiques de la littérature avec des couvertures montrant des personnages noirs a été annulé après avoir suscité de vives réactions négatives. Certains ont accusé l’éditeur de faire du “blackwashing”, c’est-à-dire de modifier l’apparence des personnages pour se donner une image progressiste, sans changer le contenu des livres.

Le blackface littéraire n’est pas toujours facile à identifier, car il peut prendre des formes subtiles et variées. Il peut aussi être confondu avec la diversité littéraire, qui consiste à créer des personnages de différentes origines et cultures, sans les essentialiser ni les folkloriser. Certains écrivains blancs revendiquent le droit de se mettre à la place de personnages noirs, en se documentant et en se faisant aider par des personnes compétentes. C’est le cas de Kevin Lambert, un écrivain canadien qui a été accusé de faire du blackface littéraire avec son roman Que notre joie demeure, qui met en scène un personnage d’origine haïtienne. Il a répondu à ses détracteurs en affirmant qu’il ne cherchait pas à représenter la réalité haïtienne, mais à créer un personnage fictif qui lui permettait d’aborder des thèmes universels.

Le blackface littéraire est donc un sujet complexe et controversé, qui pose la question du rapport entre l’écrivain et son personnage, entre la fiction et la réalité, entre l’imagination et la responsabilité. Il interroge aussi le rôle de la littérature dans la construction et la déconstruction des identités.

21 octobre 2023 12h28

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